Ce mercredi, artistes auteurs, associations et syndicats défendront à l’Assemblée une proposition de loi pour la «continuité de revenus», qui leur permettrait notamment d’accéder à l’assurance chômage. Signe de la repolitisation d’une profession dont le statut n’a presque pas évolué depuis le XVIIIe siècle.
En visite au Festival de la BD à Angoulême fin janvier – où une enquête de la Charente libre avait révélé que 150 des 200 auteurs installés dans la ville étaient au RSA -, Rachida Dati, interpellée sur le statut précaire des artistes auteurs, n’a pas trouvé mieux que de renvoyer dos à dos les différents interlocuteurs sur ce sujet, considérant qu’ils «n’ont pas», selon elle, «de vision claire de ce qu’il faut faire», et n’arrivent pas à «dégager de majorité». En résumé : qu’ils se mettent d’accord et on en reparle.
«Misère de la culture»
La ministre de la Culture n’avait peut-être pas encore été mise au parfum mais il se trouve que depuis quelques mois, des artistes auteurs, des syndicats et des associations s’organisent justement pour défendre une proposition unique : la «continuité de revenus» qui permettrait aux plasticiens, photographes, graphistes ou écrivains de bénéficier d’une rémunération même en cas d’accident de la vie. Ce mercredi 14 février, ils viendront d’ailleurs groupés à l’Assemblée, sur une invitation du député Pierre Dharréville en charge des questions culturelles au Parti communiste, pour alerter l’hémicycle – à l’exception des élus RN qui n’ont pas été conviés – sur la précarité de leur corporation lors d’une réunion d’information. En tout, 270 000 personnes pourraient être concernées – si l’on se fie au nombre d’inscrits à l’Urssaf Limousin qui regroupe depuis 2019 les affiliés de la Maison des artistes et des Agessa, qui géraient autrefois les droits d’auteur. Parmi eux : 100 000 écrivains, 22 000 graphistes, 26 000 photographes et 12 700 plasticiens.
Dans le monde de l’art, c’est une révolution : se considérer comme des travailleurs de l’art, se syndiquer, est un changement de paradigme complet. Preuve que les artistes auteurs que l’on a longtemps présentés comme individualistes, se sont largement repolitisés et sont désormais prêts à s’organiser collectivement pour faire valoir leurs droits – n’en déplaise à la ministre. La rupture était visible, le 6 décembre, dans la grande salle de la Bourse du travail à Paris. A l’origine de cette assemblée générale très suivie : l’association la Buse, à l’initiative du mouvement «Art en grève», qui œuvre depuis 2019 à défendre les droits des «travailleurs et travailleuses de l’art», et différents syndicats – anciens comme la Staa ou fraîchement éclos comme le Massicot – réunis pour l’occasion devant un bouquet de fanions aux messages percutants et au graphisme bien senti. «Du chemin a été parcouru : c’est incroyable de vous voir toutes et tous ici», saluait d’ailleurs Clémence Mauger, porte-parole de la Snap-CGT devant l’une des nombreuses banderoles originales : «Misère de la culture», «Ambroise Croizat, reviens !», «Sécurité sociale TOTALE pour tous», «un violent désir de bonheur», et encore un détournement de la fameuse sérigraphie d’Andy Warhol rebaptisée «grimace soup».
«L’auteur est considéré comme un rentier»
Lors de cet AG, Aurélien Catin, membre de la Buse et auteur d’un essai intitulé Notre condition. Essai sur le salaire au travail artistique, avait commencé par faire un peu de pédagogie : «[Nos] confrères les intermittents se sont mieux débrouillés que nous, expliquait-il. Et ce qui diffère, c’est le mode de rémunération mais surtout le rapport au travail.» Contrairement aux intermittents...
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