Caroline Sonrier, directrice de l’Opéra de Lille, a rendu, mardi 5 octobre, son rapport sur la politique de l’opéra en France. Un état des lieux exhaustif et sans complaisance.
L’audit de l’Opéra national de Paris commandé par Roselyne Bachelot à Georges-François Hirsch et Christophe Tardieu est resté, depuis bientôt un an, lettre morte. Ce ne sera pas le cas de la mission d’investigation sur la politique de l’opéra en France, confiée à la directrice de l’Opéra de Lille, Caroline Sonrier, dont les résultats ont fait, mardi 5 octobre, l’objet d’une communication du ministère de la culture.
Ce rapport, qui avait pour objectif «de dresser un état des lieux de la production lyrique en France et de proposer un cadre de référence pour la pratique lyrique en France au XXIe siècle», a requis le concours de quelque deux cents personnes issues du secteur professionnel et des collectivités territoriales. Le but ? «Mettre en œuvre les perspectives et les évolutions nécessaires.»
L’équipe de Caroline Sonrier a buté sur l’absence de données précises concernant la gestion des opéras. «Cela nous a amenés à appréhender la question essentiellement en fonction d’enjeux et de projets», précise-t-elle. Un constat d’emblée pris en compte par Roselyne Bachelot, qui annonce d’ores et déjà la «mise en place d’un dispositif d’observation permanente du monde lyrique». Ce qui semble d’autant plus nécessaire qu’une grande disparité sévit entre les vingt-six maisons d’opéra du territoire français, hors Paris, auxquelles s’ajoutent les Chorégies d’Orange (Vaucluse) et le Festival d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) : pas moins de neuf statuts différents, qu’ils soient publics ou privés, et un soutien de l’Etat inégalement réparti.
Labellisation opaque
Sans oublier un système de labellisation opaque, dont le ministère entend désormais mettre à l’étude «une simplification (…), dans l’objectif de rendre plus lisible et cohérente la politique lyrique de l’Etat». Comparé aux 74 scènes nationales, 38 centre dramatiques nationaux et 19 centres chorégraphiques nationaux, le faible nombre d’opéras labellisés interroge. Cinq portent le label «opéra national en région» (Opéra national de Lyon, du Rhin, de Bordeaux, de Montpellier, de Lorraine), quatre celui de «théâtre lyrique d’intérêt national» (Lille, Dijon, Rouen, Tours), trois celui de «scène conventionnée d’intérêt national dans le domaine lyrique» (Massy, Limoges, Caen). Certes, le Théâtre du Capitole de Toulouse ne bénéficie inexplicablement d’aucune distinction, mais force est de constater une dévalorisation de la moitié nord-ouest de l’Hexagone.
L’accompagnement de la carrière des artistes et des professionnels du secteur constitue la deuxième des cinq pistes retenues par le ministère. Celui-ci semble avoir pris en compte des revendications portées notamment par le collectif de chanteurs Unisson, que Roselyne Bachelot soutient. Cet été, le ténor Stanislas de Barbeyrac soulignait ainsi que «la crise liée au Covid-19 a jeté un coup de projecteur sur la situation particulièrement précaire des chanteurs, quel que soit leur niveau de carrière ou de rémunération». Cela passera-t-il par la création d’un centre national de l’art lyrique ? L’opéra étant la seule profession du spectacle vivant à ne pas en être pourvue. A suivre…
Déjà cruciale avant la pandémie, la question de «l’élargissement» du public travaille l’ensemble du secteur. Le troisième des chantiers sera donc «l’ouverture et l’accessibilité de l’art lyrique au plus grand nombre, ainsi que les liens entre les maisons d’opéra et leur territoire». Malgré un contexte de plus en plus tendu, où le financement des collectivités locales se révèle inversement proportionnel à la multiplication des missions (les subventions ont baissé de 8,74 % entre 2006 et 2019), le modèle de l’opéra est celui qui ...
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