Si Louis Aliot, maire Rassemblement national de Perpignan, s’est présenté comme le défenseur de la culture, en tentant de rouvrir les musées de sa ville, les élus des municipalités de gauche ne veulent pas laisser penser qu’ils oublient les artistes.
Un maire Rassemblement national en défenseur de la culture, seul face à l’Etat. Le rôle, certes de composition, a de quoi décontenancer les grands élus de gauche, peu habitués à se voir concurrencés sur ce terrain-là par l’extrême droite. Et pourtant, l’espace d’une semaine, Louis Aliot, à Perpignan, s’est mué en porte-drapeau de la cause de la réouverture des musées. Le 8 février, il en a ouvert quatre au public dans sa ville, par un arrêté que le tribunal administratif de Montpellier a suspendu fissa une semaine plus tard. L’édile a fait appel. «C’est un bon coup politique, est forcé de reconnaître Olivier Bianchi, maire socialiste de Clermont-Ferrand. Aliot est dans la dédiabolisation, qu’il avait déjà mise en œuvre pendant sa campagne municipale.» «L’extrême droite ne nous avait pas habitués à défendre les arts et la culture, en général, elle préfère censurer les livres dans les bibliothèques, comme à Toulon et à Orange», grince Frédéric Hocquard, adjoint (Génération. s, ex-PS) au tourisme et à la nuit à la ville de Paris, qui cite des affaires remontant aux années 1990. L’embarras des élus de gauche s’explique : sur le fond, ils sont en accord avec le maire de Perpignan.
«Attention à ne pas les monter les uns contre les autres»
Tous estiment qu’il est plus que temps de rouvrir les musées et les salles de spectacle, pressés en cela par les acteurs culturels sur le terrain. C’est sur le procédé qu’ils attaquent leur collègue frontiste.«C’est plus un numéro de claquette, de l’agitation politique, que du soutien à la culture», persifle le maire PS de Nancy, Mathieu Klein. «Ce n’est pas ce que demandent les acteurs culturels, ils veulent de la visibilité pour pouvoir se projeter», renchérit Jean-Marc Coppola, adjoint PCF à la Culture à Marseille. «Il essaie de faire un coup politique alors qu’il savait très bien que ça ne pouvait pas fonctionner. Je ne vois pas l’intérêt de prendre une décision dont on sait qu’elle est juridiquement bancale», s’agace de son côté Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, qui, pour être écologiste, n’en est pas moins avocat de formation. Les uns, comme les autres, privilégient le dialogue avec l’Etat plutôt que la confrontation. Mercredi, chacun de leur côté, les édiles de Bordeaux et de Nancy ont envoyé un courrier à Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, pour lui demander d’autoriser la réouverture des musées dans leur ville, ou tout au moins l’expérimentation de protocoles en vue de celle-ci.«Nous voulons rester sur une position d’efficacité, l’objectif est que les habitants retrouvent une vie culturelle le plus vite possible, plaide Mathieu Klein. Si on se donne la peine de construire avec l’Etat un cadre rigoureux du point de vue sanitaire, cela devrait être possible.»
Mercredi, toujours, plusieurs présidents de région de droite comme de gauche et des maires de grandes villes, dont celle de Paris, Anne Hidalgo, ont signé une pétition pour demander au gouvernement de «rouvrir tous les établissements culturels en même temps». C’est-à-dire, aussi, les salles de cinéma et de spectacle. «Ouvrir les musées seuls et non les autres lieux de culture, comme ça a été fait à Perpignan, c’est très mal perçu chez les acteurs du secteur. Il faut faire très attention à ne pas les monter les uns contre les autres», développe Jeanne Barseghian, première édile de Strasbourg, qui a paraphé la requête. Côté pétition, l’écologiste n’en est pas à son coup d’essai. Lors de la venue du Premier ministre, le 23 janvier, elle avait déjà fait part de sa volonté d’expérimenter des activités culturelles dans des espaces ouverts dans un premier temps à des publics prioritaires (enfants, étudiants et personnes en situation d’isolement familial, financier ou psychologique). Sans succès pour le moment. «Le gouvernement louvoie alors qu’on lui propose des protocoles très stricts,s’impatiente Barseghian. Il est temps d’avoir une réponse.» «J’ai l’impression d’être dans le Conte du Bon petit Henri, de Charles Perreault, rigole jaune Frédéric Hocquard. On doit aller chercher la plante de vie tout en haut de la montagne, mais, à mesure qu’on avance, celle-ci n’arrête pas de reculer.» L’élu parisien se dit un peu «estomaqué» par les Victoires de la musique, vendredi soir. «On nous explique que rien n’est possible et là, on voit 500 personnes dans une salle», s’indigne-t-il.
«J’espère être un accélérateur»
Face à...
Lire la suite sur liberation.fr