Sonia de La Provôté et Sylvie Robert, membres de la commission «culture» du Sénat, ont passé au crible les crédits dédiés à la création dans le plan de relance. Les deux parlementaires dressent un bilan en demi-teinte et avancent douze propositions pour que l’initiative du gouvernement serve à conjurer les menaces qui pèsent sur les acteurs culturels.
«Le plan de relance présente des aspects positifs : d’une part, il acte que la culture est bien considérée comme ‘essentielle’ ; d’autre part, il comporte des montants importants», a observé la sénatrice (Union centriste) du Calvados Sonia de La Provôté le 3 novembre, en présentant le «Rapport d’information sur la réalité de la mise en œuvre du plan de relance en faveur de la création», qu’elle signe avec sa collègue socialiste d’Ille-et-Vilaine Sylvie Robert.
Ce qui donne en chiffres : «plus de 400 millions d’euros d’ici à la fin de l’année 2022» et une hausse de «plus de 20%» du montant des crédits alloués par l’Etat dans le cadre du programme 131 «création» au titre de ces deux années.
Mais là s’arrête le satisfecit adressé au gouvernement. Car les deux sénatrices ont repéré un certain nombre de faiblesses.
«Territorialisation modeste»
A commencer par un déséquilibre à la fois sectoriel et territorial : d’une part, 40% des crédits sont absorbés par le secteur privé du spectacle vivant, y compris les structures ne contribuant pas à la taxe sur les spectacles ; et, d’autre part, «seuls 20% des crédits du plan de relance sont déconcentrés (80 millions)», notent les deux parlementaires, tandis que 30% des crédits vont dans les équipements nationaux, essentiellement parisiens.
Ce qui manque, regrettent les deux rapporteures, c’est une «réelle estimation préalable des besoins de chaque territoire». D’où une «répartition aléatoire», et un équilibre territorial qui «ne pourra donc être apprécié qu’ex post.»
Par ailleurs, avec seulement 13,1 millions d’euros (hors appel à manifestations d’intérêt pour le programme « Mondes nouveaux »), les arts visuels sont quasiment dans un angle mort. Une situation budgétaire que les deux élues jugent incohérente avec la volonté affichée par le gouvernement d’améliorer le soutien aux artistes-créateurs et avec la situation sociale très dégradée de ces derniers.
Absence de concertation avec les élus et les professionnels
Les sénatrices se sont aussi intéressées aux rouages d’exécution des crédits. «On aurait pu s’attendre à de l’innovation dans le travail avec les collectivités et les professionnels de la culture», a souligné Sylvie Robert, lors de la présentation du rapport. Et d’enfoncer le clou : «ni l’élaboration, ni la mise en œuvre du plan de relance n’ont fait l’objet d’une concertation avec les collectivités.»
Pourtant les instances de concertation existent. Les conseils des territoires pour la culture (CTC) – du moins dans les régions où ils ont été réunis – «ont au mieux été mobilisés pour informer les collectivités», critique le rapport, qui regrettent que les échanges avec ces dernières se soient résumés à des relations bilatérales entre Drac et collectivités. De ce fait, les sénatrices estiment que «l’effet levier» du plan de relance n’a pas été ce qu’il aurait pu être, avec, de surcroît, un risque «de carences ou d’un doublon des actions.»
Du côté des professionnels, les Coreps (comités régionaux des professions de spectacle) n’ont pas été réactivés contrairement à ce qu’avait promis le gouvernement en 2020. Quant aux Sodavi (schémas d’orientation pour le développement des arts visuels), ils sont, eux-aussi, inexistants dans nombre de régions.
Pression du calendrier sur le plan de relance
Le plan de relance devant se terminer fin 2022, tous les crédits doivent en principe être consommés à ce terme. Conséquence directe : les projets sont examinés sous la pression du calendrier. Pour les deux parlementaires, «l’objectif d’une large ouverture du bénéfice des crédits», qui devaient notamment profiter aux petites structures, habituellement les moins aidées, s’est perdu dans l’urgence. En conséquence, «les aides profitent majoritairement aux acteurs les plus structurés, comme le relève également la Cour des comptes», souligne le rapport.
Prolonger le soutien à la création jusqu’à un retour à la normale
«Pour 2022 et 2023, nous avons de grosses inquiétudes», confient les sénatrices. D’autant plus qu’environ 30% du public manque encore dans les salles de spectacle.
Les deux parlementaires plaident donc pour le maintien du soutien à la relance jusqu’au retour à une situation normale : report sur 2022 des crédits non consommés en 2021, prolongation des mesures d’aide exceptionnelles, instauration d’une garantie financière temporaire de l’Etat pour la prise de risque artistique dans les ...
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