Ce précieux sésame, qui sera mis en place à partir du 9 juin, est censé nous permettre de revivre ensemble. Mais ce dispositif, créé pour répondre à une crise, n’est pas sans enjeux éthiques, comme l’exposent plusieurs intellectuels.
Pass, passe ou passeport sanitaire, quel que soit le nom, l’idée demeure : conditionner l’accès à certains lieux ou événements à un critère médical. En France, le passe sanitaire devrait s’appliquer à partir du 9 juin pour les rassemblements dépassant mille personnes, mais aussi pour voyager au sein de l’Union européenne. Sous forme électronique ou papier, il constituera la preuve d’une vaccination contre le Covid-19, d’un test négatif récent ou d’un rétablissement après une contamination. Présentée par le gouvernement comme un simple outil au service de « la protection des Français », cette mesure a des enjeux qui dépassent largement les seuls détails techniques : ils sont aussi philosophiques. Est-il juste de soumettre des libertés à un critère de santé ? Certes, la possibilité d’aller et venir est parfois déjà conditionnée à une vaccination, en particulier pour voyager dans les pays tropicaux. Mais le philosophe Mathieu Potte-Bonneville confie tout de même son « malaise » dans le cas du passe sanitaire : « Il revient à dupliquer ou à faire proliférer le tracé des frontières à l’intérieur même de l’espace public, en différenciant un accès selon le statut sanitaire supposé des personnes. »
Le passe crée une démarcation, à l’image du passeport. Si ce dernier a commencé à se diffuser dès la fin du Moyen Âge, pour faciliter la circulation des commerçants entre différents territoires, c’est au xxe siècle qu’il va peu à peu s’imposer. Le monde, alors, est en plein changement : il se couvre d’États-nations et se quadrille de frontières. « Avant 1914 je voyageais en Inde et en Amérique sans posséder de passeport, sans même en avoir jamais vu un. On montait dans...
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