Le « mieux produire pour mieux diffuser » est au cœur de la réflexion avec son corollaire : à qui couper les aides ?, interroge, dans sa chronique, Guillaume Fraissard, chef du service Culture au « Monde ».
Avec l’arrivée du printemps s’annonce déjà le temps des prochaines saisons pour les salles de spectacle, les théâtres, les manifestations estivales ou les opéras. L’occasion de dévoiler les temps forts de leurs futures programmations et d’aiguiser la curiosité du public au moment où sont lancées les campagnes d’abonnement. Opéra de Paris, Théâtre des Champs-Elysées, Festival d’Avignon… toutes les institutions se plient au rituel offrant au passage un état des lieux de la création en France et, en creux, un bilan de santé de leur fonctionnement.
Côté bonnes nouvelles, le retour du public, constaté à peu près partout, conjugué, pour certains lieux, à celui des bénéfices comme à l’Opéra de Paris, qui, pour la première fois depuis 2017, affiche un résultat positif de 2,3 millions d’euros. Côté mauvaises, le milieu du spectacle vivant vit désormais dans la crainte des conséquences des coupes budgétaires annoncées par le ministre de l’économie Bruno Le Maire le 18 février dans le cadre d’un vaste plan d’économies de 10 milliards d’euros de crédits ministériels.
Pour la culture, ce sont 204 millions d’euros qui vont manquer à l’appel. Un effort qui portera en grande partie sur la création. Le Pass culture, lui, pourtant gourmand en subsides d’Etat (251 millions d’euros de budget en 2024), passe ainsi entre les gouttes, ce qui au passage ne manque pas d’agacer au regard de son efficacité contestée. Cette somme, la ministre de la culture, Rachida Dati, s’engage à la compenser pour plus des « deux tiers » en puisant dans les réserves de précaution de son ministère. Et de répéter, notamment devant les membres de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, qu’il n’y aura « pas un euro de moins pour le spectacle vivant ».
« Dumping des spectacles »
Ce volontarisme ne semble pas de nature à calmer les inquiétudes. Dans une tribune publiée dans Le Monde, plus de 3 500 professionnels, directeurs de scène, de compagnies, artistes, metteurs en scène, estiment que ces coupes aboutiront dans un délai de trois ans à un « dumping des spectacles » et « signifi[ent] la disparition rapide, pure et simple de la plupart des créateurs, des créatrices, des interprètes (…), des auteurs, autrices ».
En janvier, Stéphane Braunschweig a été l’un des premiers à sonner l’alerte dans nos colonnes. Le directeur du Théâtre de l’Odéon ne briguera pas de troisième mandat à la tête de cette grande scène nationale, faute de marge artistique suffisante pour mener à bien son projet. « A zéro, je ne sais plus comment faire », dit-il. Il n’est pas le seul. Hortense Archambault, directrice de la Maison de la culture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, résume bien la situation actuelle (Le Monde daté du 22 mars). « Tous les lieux, aujourd’hui, sont au bout d’un processus, mené depuis plusieurs années, pour rationaliser leur gestion et leur fonctionnement. Nous sommes pris en étau entre un besoin d’activité, un désir social très fort, et des moyens limités. »
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