Énormes consommateurs d’énergie, les cinémas ont fait l’objet d’une étude du CNC sur leur bilan carbone. Les exploitants, volontaires mais fragilisés par une fréquentation en berne depuis la crise sanitaire, se voient confrontés au casse-tête des financements.
Essoufflée après sa course à vélo, Anne Faucon revient tout juste du chantier. Son cinéma va enfin voir le jour, d’ici l’automne, à Pont-Sainte-Marie (Aube). Un bâtiment à part : le premier cinéma français écoresponsable à énergie positive, construit avec des matériaux biosourcés, équipé de toilettes sèches… Mais le projet n’a pas été facile à mener. « On essaye de faire quelque chose de modèle mais on n’est pas plus aidés, si ce n’est moins. On s’est retrouvés avec des blocages à pleurer. » La cofondatrice du réseau art et essai Utopia déplore le manque de soutien du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et de certains élus locaux, qu’elle pense plus favorables au multiplexe CGR du centre-ville de Troyes.
Un récit à des années-lumière des objectifs affichés par le CNC depuis un an. Avec le plan Action !, lancé en juin 2021, l’institution s’emparait d’une question cruciale : la transition écologique du secteur cinématographique. Un an après, sort un premier audit sur le bilan carbone des salles de cinéma. Fondée sur un panel de quatorze établissements représentatifs, l’évaluation chiffrée démontre que le chauffage, la ventilation et la climatisation (CVC), suivis des projecteurs, sont les postes les plus énergivores. L’audit se conclut par des pistes d’amélioration selon les caractéristiques des salles.
“Un coup de pied dans la fourmilière”
La plupart des exploitants contactés par Télérama voient d’un bon œil l’initiative du CNC. « C’est un coup de pied dans la fourmilière, nous avertissant qu’il faut faire gaffe à tous les niveaux », se réjouit ainsi Jean-Sylvain Minssen, directeur du Sémaphore, à Nîmes, qui « douille » lorsqu’il reçoit ses factures d’électricité. Auditionnée pour l’étude, Marie-Christine Désandré, directrice du cinéma Le Loft, à Châtellerault, abonde : « Il était temps de faire un état des lieux qui lance le départ dans l’exploitation. Il faut agir, passer à l’action », estime l’exploitante, très sensible aux questions d’écologie. Si tous y voient un sujet essentiel, certains s’interrogent sur les visées de l’audit. Matthias Chouquer, de L’Eldorado, à Dijon, redoute de simples effets de communication « qui viseraient à donner rapidement des labels verts à des lieux de diffusion sur des critères un peu légers ».
Passer à l’action, oui, mais comment ? Quels sont, à terme, les objectifs du CNC pour les cinémas ? Envisage-t-il de mettre en place des contraintes ? « Il ne nous a pas semblé nécessaire de venir ajouter des contraintes supplémentaires, puisque les salles sont déjà concernées par des obligations fixées par l’État », nous répond Lionel Bertinet, directeur adjoint du département cinéma du CNC. En effet, une obligation réglementaire issue de la loi Élan de 2018 vise à l’amélioration énergétique des bâtiments tertiaires sur des échéances resserrées. D’ici à 2030, ils devront réduire leur consommation de 40 %, puis de 50 % en 2040 et de 60 % dix ans après. Dans le secteur de l’exploitation, seuls les cinémas de plus de 1 000 mètres carrés sont concernés, soit environ la moitié du parc français.
“Un coût exorbitant !”
Plus facile à dire qu’à faire. Beaucoup d’exploitations installées en centre-ville, en particulier les salles art et essai, se trouvent dans de vieux bâtiments énergivores, parfois difficiles à aménager. À Orléans, Michel Ferry sait que son cinéma aurait...
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