Circulation des artistes, droit des travailleurs indépendants, statut européen de l’artiste, écologie et intelligence artificielle : tour d’horizon de la place qu’occupe ou non le secteur culturel dans les programmes, en vue des élections du 9 juin prochain.
Pour entendre parler de culture dans le contexte de la campagne des élections européennes, il faut se préparer à tendre l’oreille. Globalement phagocytée par les postures nationales et les querelles partisanes aux dépens des enjeux européens, la séquence politique qui doit se clore avec l’élection prévue le 9 juin laisse en effet bien peu de place à la thématique culturelle.
Sans surprise, la culture figure en marge des projets politiques. À la toute dernière ligne des propositions de la liste Parti socialiste-Place publique, emmenée par Raphaël Glucksmann, on peut ainsi voir inscrite la volonté de « faire émerger une véritable politique de soutien à la culture et à la création en Europe par une “exception culturelle européenne”, en faisant un pilier de notre démocratie ».
Du côté de la liste La France insoumise (LFI) de Manon Aubry, on table sur une « défense de l’exception culturelle française, à savoir la préservation des arts et de la culture de la prédation du marché et de ses logiques ». Au-delà des slogans, on peine à comprendre les projets des deux listes de gauche, qui n’en font d’ailleurs pas la promotion.
Force est de constater que l’un des seuls à avoir pour l’heure mis le sujet sur la table est Éric Zemmour. « L’Europe est une civilisation vitale, charnelle, émotionnelle. Notre culture est tout simplement prodigieuse, c’est elle que nous devons défendre ! », s’est ainsi écrié, sous les vivats de ses partisans, le patron de Reconquête, lors du meeting de lancement de la campagne du parti pour les européennes, le 10 mars à Paris.
Au-delà des mots, ni l’ancien candidat à la présidentielle ni la tête de liste de son parti, Marion Maréchal, n’ont toutefois dévoilé la moindre proposition en faveur de la culture européenne, sa « défense » semblant, à leurs yeux, passer avant tout par la lutte contre « l’islamisation du continent ».
Pour la contrer, l’ancienne députée du Vaucluse propose « un blocus naval européen, une réforme de Schengen pour que la libre circulation soit réservée aux Européens, la défense d’accords avec les pays de départ pour limiter le nombre de débarquements, une réforme du droit d’asile… ».
Atteintes à la liberté de mouvement, mais aussi détricotage du Pacte vert et baisse du budget européen : telles seraient les conséquences d’un basculement vers la droite du centre de gravité du Parlement européen que certains anticipent déjà, au vu de la progression des partis souverainistes et d’extrême droite dans les sondages menés dans les vingt-sept États membres. Avec des dommages collatéraux à prévoir pour le secteur culturel.
Si la culture n’est pas plus présente dans la campagne, c’est essentiellement parce que les compétences européennes en la matière sont limitées. En effet, selon l’article 167 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, « l’Union contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale » et les institutions européennes ne peuvent qu’adopter « des actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ».
L’accueil des artistes étrangers
Une limitation claire, qui n’empêche toutefois pas l’Europe de la culture de se développer à petits pas. À son actif, notamment, le programme Europe créative visant à soutenir les secteurs culturels et créatifs, créé en 2014 et dont le budget s’élève à 2,4 milliards d’euros pour la période 2021-2027.
Sébastien Justine, directeur des Forces musicales et président de la Fédération des employeurs du spectacle vivant public et privé (Feps), est président de Pearle. Cette fédération européenne des associations d’employeurs dans le spectacle vivant s’active à sensibiliser les député·es et les futur·es député·es aux enjeux du secteur culturel.
Il s’inquiète de la possibilité que soient élu·es le 9 juin un plus grand nombre des député·es hostiles à l’Union européenne : « Cela peut évidemment compliquer l’accueil des artistes étrangers dans nos différents pays et donc la diversité des programmations. Mais d’autres sujets pourraient être touchés, comme le programme Europe créative. Son budget n’est pas à la hauteur des enjeux, son existence même n’est pas sécurisée et nous aurons du mal à promouvoir une ambition plus forte pour la culture en Europe avec des députés qui veulent réduire le projet européen à sa portion congrue. »
À ces montants s’ajoutent beaucoup d’initiatives en provenance du Parlement. « La crise sanitaire a joué un rôle de révélateur et de facilitateur politique inattendu, explique Frédéric Young, délégué général pour la Belgique de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Les années de covid ont été très difficiles pour le secteur mais ont permis aux politiques de se rendre compte que nombre d’artistes européens étaient perdus dans des situations administratives complexes, coincés dans des sous-statuts, des situations de précarité. »
Statut d’artiste européen
Après avoir bataillé pour donner une bonne place à la culture dans le plan de relance, le Parlement s’est ainsi massivement prononcé en faveur de la création d’un statut d’artiste européen·ne, en novembre 2023. « C’est un texte très clair dans lequel le Parlement demande aux États membres d’échanger sur des normes minimales et se prononce sur des thématiques comme la propriété intellectuelle et la mobilité des artistes, analyse Anita Debaere, directrice de Pearle. La Commission européenne est en train de travailler sur des mesures liées aux sujets abordés dans la résolution. »
Lire la suite sur mediapart.fr