Les investissements nécessaires sont colossaux pour des structures à l'économie fragile et les aides dérisoires. Sans parler des défis patrimoniaux et des contraintes de confort du public et des artistes.
C'est un petit coup de pouce bienvenu, mais ce ne sont pas les 25 millions d'euros d'aides annoncés récemment par le ministère de la Culture qui vont résoudre l'enjeu monumental de la rénovation thermique des édifices culturels.
Car si nombre de ces bâtiments sont classés, ils n'échappent pas aux obligations de rénovation énergétique. Ils sont eux aussi soumis au décret qui vise à réduire les consommations dans les bâtiments de plus de 1.000 mètres carrés - de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050. Un monumental casse-tête technique et financier pour les musées et monuments historiques, qui se double d'un défi logistique pour les théâtres et salles de concerts, occupés jusqu'à tard le soir.
Le cas de Versailles
« Revoir le chauffage, l'électricité, l'isolation dans les scènes classées prendra beaucoup de temps car les coûts sont énormes. Impossible de passer des tuyaux n'importe où, ou de ne pas chauffer des espaces fragiles. Il est compliqué également d'obtenir une température homogène du parterre aux balcons de l'Opéra royal et de tomber à 19 °C sans nuire au confort du public », affirme Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles.
L'injonction est complexe, d'autant qu'elle est relativement récente dans les faits. « Sur les 200 millions d'euros de travaux planifiés à Versailles, la priorité initiale n'était pas d'économiser l'énergie. Il y a dix ans, on a même fait un rideau d'air chaud à l'accueil pour protéger les visiteurs du froid du dehors ! » se souvient-il.
« Aux Bouffes du Nord, on a la chance d'être encastré dans des immeubles, ça aide à chauffer, comme à l'Athénée », se félicite Olivier Poubelle, qui codirige ces deux salles . « Les théâtres privés ont une économie fragile, incompatible avec ces investissements, et le ministère de la Culture avance prudemment. Ce problème concerne aussi beaucoup de scènes nationales en région », lance-t-il.
Sur ce sujet, la question du coût est écrasante. « Le prix des matériaux de qualité exigés a explosé à la suite du Covid, de la guerre en Ukraine, de l'augmentation de la demande », renchérit la direction de la Comédie Française , qui navigue dans ce casse-tête depuis un certain temps.
Pour l'isolation thermique de la salle Richelieu inaugurée en 1790, par exemple, un bardage extérieur n'est pas envisageable, les travaux doivent se faire à l'intérieur, sous le contrôle de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Une pièce richement décorée telle que le foyer Pierre Dux - aussi appelé le foyer du public, qui accueille les spectateurs à l'entracte - ne peut être isolée, sous peine d'abîmer ce patrimoine. S'y ajoute la difficulté de mener des travaux dans un site qui accueille des spectateurs tous les soirs et qui a une activité intense côté coulisses. D'où une planification sur cinq ans.
Ouvert jusqu'à minuit
A trois kilomètres plus à l'ouest du Palais Royal, le Théâtre des Champs-Elysées (TCE), salle art déco de 1.900 places ouverte deux cent dix fois dans la saison jusqu'à minuit, fait face à un problème supplémentaire : il n'est pas l'unique occupant de l'immeuble qui abrite aussi les restaurants Gigi et Manko ou la Comédie des Champs-Elysées. Si le TCE appartient à la Caisse des Dépôts, c'est une autre filiale de l'établissement financier qui est propriétaire des murs. « Nous ne sommes pas décisionnaires », confie Bethânia Gaschet, sa directrice adjointe.
Entre la révision des circuits d'aération, l'installation de réflecteurs de chaleur autour des radiateurs, de LED dans les parties communes, d'une nouvelle chaudière et les détecteurs de fuites d'eau et de présence, le TCE est déjà passé de 158 kilowattheures par mètre carré en 2018 à 125 en 2021. « La Caisse va nous aider pour changer les projecteurs de scène : il y en a pour 400.000 euros mais cela divisera par 2 à 5 les consommations selon les spectacles », précise Bethânia Gaschet.
Le Palais Garnier et l'Opéra Bastille - l'un scruté par les architectes des Monuments historiques, l'autre à la façade vitrée aux allures de passoire thermique -, affichent à eux deux 400 levers de rideau par an et la consommation électrique est d'une ville de 8.000 habitants - que l'Opéra de Paris a pourtant déjà réduite de 15 % entre 2010 et 2020. Il y a eu le raccordement au réseau de production de froid urbain, des nouvelles verrières en toiture, l'installation de fenêtres en double vitrage, de LED dans l'espace public et sur le plateau, des compteurs intelligents, un recyclage d'air optimisé préservant tout une hygrométrie compatible avec les boiseries et les instruments de musique… Grâce au
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