Le collectif, qui dirige le centre chorégraphique breton depuis 2019, décline une histoire multiple et intergénérationnelle de la discipline.
On pousse la porte et on y pénètre direct sans se poser de questions sur l’accueil que l’on y recevra. Ce côté de plain-pied est l’un des charmes du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne, dirigé depuis 2019 par le collectif hip-hop FAIR-E. Au cœur de la vieille ville, en bordure de la rue piétonne Saint-Mélaine, l’immeuble à baies vitrées n’a rien d’une institution rébarbative qui fait reculer les curieux. Pas étonnant que deux cents amateurs, enfants et adultes, passent chaque semaine le seuil pour s’initier à différentes danses hip-hop.
L’entrée, comme le bar cantine bordé par une terrasse, les deux grands studios de répétitions, ainsi que les loges arborant les noms des directeurs qui se sont succédé depuis son ouverture en 1978 par le chorégraphe Gigi Caciuleanu, reflètent des conditions de travail simplement efficaces. « Nous avons également à disposition Le Garage, situé près du campus universitaire Villejean, où nous disposons de quatre autres espaces, précise Fatima Rojas, responsable de la communication. Ici, l’ouverture sur les jardins partagés avec l’Ecole des beaux-arts permet aussi d’imaginer des actions communes. »
FAIR-E/Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne définit d’emblée son style et son esprit : l’action et la création dans une mentalité équitable et loyale, celle du collectif qui le dirige. Phénomène unique dans le contexte des dix-neuf centres chorégraphiques nationaux, il est constitué de six personnes : quatre chorégraphes hip-hop (Iffra Dia, Bouzid Ait Atmane, Saïdo Lehlouh, Linda Hayford) et deux productrices (Céline Gallet, Marion Poupinet). « Nous nous connaissons tous depuis longtemps et collaborions déjà. Nous avions envie d’un lieu, se souvient Marion Poupinet. Notre candidature a représenté un bond en avant pour apprendre à réfléchir collectivement et tenter de répondre aux besoins de la communauté. » Depuis 2019, deux personnes ont quitté le cercle : le chorégraphe Ousmane Sy, figure lumineuse de la house dance, est mort en décembre 2020 ; Johanna Faye, elle, a décidé de se consacrer à son parcours personnel en 2023. « On est sans cesse en train d’ajuster et de rééquilibrer le programme initial, poursuit Marion Poupinet. On ne s’attendait pas à gérer le répertoire d’un artiste [Ousmane Sy] décédé à l’âge de 45 ans, mais on le fait. »
« Incarnation politique de la diversité »
Cette brochette de chorégraphes décline une histoire multiple et intergénérationnelle du hip-hop. Elle promeut une pensée portée par les valeurs « respect, singularité et force de chacun », selon Marion Poupinet, de ce mouvement apparu au tournant des années 1980. « Nous sommes des individus au service d’un projet commun, voilà ce que voulons développer, résume le pionnier Iffra Dia. La vision collective est au centre, et j’aime me retrouver dans cette expérience qui m’a nourri depuis mes débuts. » Breaker d’abord, Iffra Dia, 56 ans, a travaillé de 1984 à 2010 dans la compagnie historique Black Blanc Beur, basée à Trappes (Yvelines), et se distingue par une ouverture à toutes les techniques gestuelles.
Lire la suite sur lemonde.fr