EXCLUSIF – “Télérama” a enquêté sur les cachets maximaux que les maisons d’opéras sont prêtes à dépenser pour convaincre les stars du lyrique à se produire sur leur scène. Des chiffres que les directions répugnent à dévoiler.
En France, l’Opéra de Paris est celui qui dispose du top fee le plus élevé. Et de loin. Il s’élève à 16 000 euros brut par représentation. Un plafond qui n’a été crevé qu’à de rares exceptions dans le passé et qui, selon nos informations, ne l’est plus aujourd’hui. Ce top fee est réservé à une poignée d’artistes reconnus, dont la notoriété est à elle seule le gage d’attirer aussi bien les passionnés de lyrique que les amateurs d’un soir. Un club très fermé, qui compte le ténor allemand Jonas Kaufmann, la soprano russo-autrichienne Anna Netrebko, le baryton-basse gallois Bryn Terfel, ou le baryton français Ludovic Tézier, que l’on pouvait entendre jusqu’à aujourd’hui dans La Traviata à l’Opéra Bastille.
La somme de 16 000 euros est à multiplier par le nombre de représentations de chacune des productions auxquelles ces artistes prennent part. Elles varient généralement entre cinq et dix, soit des cachets qui, pris dans leur globalité, sont compris entre 80 000 et 160 000 euros. Des montants élevés, qui n’ont cependant rien à voir avec ceux touchés dans le monde de la pop par des artistes comme Orelsan, Ninho, Angèle, Indochine ou Julien Doré, sans même parler de Taylor Swift, Lana Del Rey, Coldplay ou Metallica.
Des montants qui n’augmentent pas
Le montant de ce top fee est à peu près le même dans tous les grands Opéras européens et américains : de la Scala de Milan au Staatsoper de Vienne ou au Metropolitan Opera à New York. Surtout, il a très peu évolué depuis des décennies. « Dans les années 1980, écrit le président du Centre national de la musique, Jean-Philippe Thiellay, dans son passionnant essai L’Opéra, s’il vous plaît (1), le top fee ne dépassait pas 90 000 francs… soit un peu moins de 15 000 euros. » S’il avait suivi la progression de l’inflation, il aurait dû au moins doubler. On en est loin, ce qui au passage montre à quel point l’art lyrique a perdu en importance en même temps que l’économie de l’opéra ne cessait de se fragiliser.
Malgré tout leur talent, les grands artistes n’ont, par ailleurs, pas eu – à de rares exceptions près – les moyens d’imposer aux maisons d’opéra des cachets exorbitants sortant ostensiblement du cadre des top fee. Et pour cause, les directions des grands opéras européens ont longtemps partagé entre elles le montant de leur top fee et, au-delà, celui des cachets des différents chanteurs, qu’ils gagnent 2 000, 5 000, 10 000 ou 16 000 euros par représentation.
À l’origine, ce sont les directions des Opéras allemands qui s’échangeaient ces informations entre elles, avant d’en faire profiter les grandes maisons d’opéra européennes. Ce système, qui fleurait un peu trop le cartel d’employeurs, a pris fin il y a quelques années, mais les échanges informels entre directions d’Opéra perdurent. Ce qui permet au responsable d’un grand Opéra européen de pouvoir affirmer aujourd’hui, sans se tromper, que sur le vieux continent « le montant des cachets reste actuellement à peu près le même partout et que la tendance n’est à la hausse nulle part ».
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