Le préfet de Côte-d’Or a rendu deux années de suite une décision défavorable concernant l’emploi de sept fillettes comme figurantes dans une pièce de la metteuse en scène belge Agnès Limbos sur les violences sexuelles. Deux conceptions de «l’intérêt supérieur de l’enfant» s’affrontent.
Rachida Dati l’a expliqué au micro de Sonia Mabrouk le 6 février : elle ne sera «pas du côté des censeurs» et veillera à «la liberté de création». La ministre de la Culture s’intéressera donc sûrement au sort de l’artiste bruxelloise Agnès Limbos, s’estimant victime d’une «forme de censure» de la part non pas des «wokistes» (qu’évoquait Rachida Dati sur Europe 1), mais du préfet de Côte-d’Or, M. Franck Robine, ancien chef de cabinet de François Fillon. Mi-décembre, la préfecture s’est en effet opposée à l’emploi de sept petites filles âgées de 9 à 12 ans comme figurantes dans le spectacle Il n’y a rien dans ma vie qui montre que je suis moche intérieurement, initialement programmé au Théâtre des Feuillants à Dijon fin décembre et finalement annulé.
«La violence n’est jamais directe»
Il s’agit d’une œuvre sur les violences sexuelles et les féminicides dont la trame a été jugée «particulièrement mortifère» et l’atmosphère «volontairement sinistre» par la commission départementale chargée d’apprécier la conformité de la demande avec le code du travail et l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette dernière est composée de plusieurs instances, dont un juge pour enfant, un médecin ou un représentant de l’Education nationale. La préfecture précise par courrier que la décision «porte uniquement sur l’emploi d’enfants mineurs au titre de code du travail, et non pas sur la tenue de la représentation elle-même». Suffisant, selon l’artiste, pour porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre.
Créée en 2021, déjà jouée dans vingt villes de sept pays (France, Belgique, Suisse, Allemagne, Luxembourg, République tchèque, Canada) avec chaque fois des mineurs sur le plateau, la pièce d’Agnès Limbos est présentée comme un «rébus», un «jeu de pistes» dans lequel une femme est «tour à tour victime, la main du bourreau, l’enquêtrice, l’agent orchestrant une reconstitution et, même, une héroïne de conte», peut-on lire sur le site Théâtre Mouffetard où le spectacle s’est donné. «Quiconque l’a vue sait que ces objections sont sans fondement, plaide de son côté l’Observatoire de la liberté de création, qui s’est, depuis, saisi du dossier. La violence n’est jamais directe, toujours suggérée. […] Des doigts agités dans une baignoire de poupée font comprendre un meurtre domestique. Le viol est mimé d’une manière qui n’a rien de réaliste», développe cette instance de veille rattachée à la Ligue des droits de l’homme dans une lettre adressée au préfet début janvier.
«Elles incarnent poétiquement les femmes en devenir»
L’interprète et metteuse Agnès Limbos, à la tête d’une compagnie dont le répertoire relève depuis plusieurs années du théâtre pour la jeunesse, parle au téléphone d’une pièce essentiellement «tragicomique : je me tue sept fois au cours de la représentation, d’une façon qui fait d’ailleurs souvent rire les gamines, avec qui nous discutons beaucoup. Dans la pièce, elles incarnent poétiquement les femmes en devenir».
Suite au rejet de sa première demande d’autorisation en 2022...
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