Encadré par de strictes consignes sanitaires, le public réinvestit peu à peu les salles new-yorkaises. Le secteur, en attente de perfusion de l’Etat, peine à se remettre des mois de fermeture.
C’est avec deux films nommés aux oscars, Nomadland de Chloé Zhao et Minari de Lee Isaac Chung, que l’Angelika Film Center de Manhattan, antre cinéphile situé au coin de Houston et Mercer Street à Soho, a levé son rideau au matin du 5 mars, après un an d’inactivité. Comme d’autres salles de la ville, l’Angelika a fait le choix de retrouver son public d’habitués, malgré les très strictes consignes imposées par l’Etat – jauges à 25%, maximum de 50 spectateurs, places réservées. «Nous n’allons sans doute pas gagner d’argent avant un moment, reconnaît Scott Roseman, du groupe Reading International, propriétaire du lieu. Mais il était vraiment important que notre public fidèle puisse revenir en salle et retrouve cette expérience de partage. Le jour de la réouverture, les spectateurs étaient tellement reconnaissants ! Bavards, avec l’envie de communiquer leur joie de retourner en face d’un grand écran.»
Bientôt, les théâtres devraient eux aussi rouvrir leurs portes. Le gouverneur Andrew Cuomo a annoncé au début du mois qu’ils pourraient à nouveau recevoir du public à partir du 2 avril. Mais là encore, avec des jauges extra small – 33% des places, pour un maximum de 100 personnes dans les salles fermées, et 150 si le théâtre exige un certificat de vaccination ou un test négatif au Covid. Le calcul économique pour les gérants en devient acrobatique, et certains mastodontes du milieu ont choisi de rester portes closes. Ainsi, les projecteurs n’ont pas été rallumés dans les théâtres de Broadway, dont la billetterie pèse chaque année 1,8 milliard de dollars (1,5 milliard d’euros environ). Il faudra attendre l’automne. Le silence règne toujours au Metropolitan Opera, qui totalisera 276 représentations annulées lorsqu’il rouvrira en septembre. Le City Ballet, le club de jazz Blue Note et le Mercury Lounge restent aussi fermés pour l’instant. Mais Shakespeare in the Park, institution estivale hyperpopulaire qui monte chaque année des pièces du dramaturge en plein air dans Central Park, a déjà fait savoir qu’une adaptation des Joyeuses Commères de Windsor se donnera en juillet et août. La soprano Renée Fleming, quant à elle, se produira le mois prochain au Shed de Hudson Yards, pour 150 heureux spectateurs masqués, vaccinés ou capables de produire un test négatif, au lieu des… 1 280 que peut accueillir la salle.
Deux tiers des emplois supprimés
Ce sont de timides éclaircies dans un secteur ravagé par la pandémie. A New York, un an après le début du lockdown, près de deux tiers des emplois dans le domaine des arts, du spectacle et des loisirs sont partis en fumée, détaille un rapport récent du State Comptroller’s Office (le contrôleur des finances de l’Etat), laissant 53 000 personnes sur le carreau. Et les embauches repartent très mollement, car la crise affecte tous les domaines. Le Brooklyn Museum a été contraint de vendre aux enchères quelques trésors signés Courbet ou Corot pour l’entretien de sa collection. Le Metropolitan Museum a annoncé qu’il envisageait de s’y résoudre aussi, suscitant un tollé dans le milieu des conservateurs. Et le Whitney Museum vient, lui, d’annoncer une deuxième vague de licenciements en raison de ses pertes abyssales, dues autant à l’impossibilité de louer ses espaces pour des événements qu’à la chute libre de la billetterie. Autorisés à rouvrir en août avec une jauge de 25%, les musées new-yorkais souffrent de l’absence des touristes : leurs salles demeurent quasi vides.
«La crise n’est pas terminée, résume Lucy Sexton, qui dirige l’association New Yorkers for Culture and Arts (NYC4CA). Tout le monde est touché, mais les plus grandes difficultés sont sans doute dans le domaine du spectacle vivant, tant pour les diffuseurs et producteurs que les innombrables métiers afférents, qui n’ont pas pu travailler depuis un an.»
Dès le début du confinement,...
Lire la suite sur liberation.fr