Alors que le Printemps de Bourges, coup d'envoi de la saison des festivals, a retrouvé son public le week-end dernier, la situation du secteur semble est moins florissante. « Nous sommes dans un entre-deux, sortis de la crise mais fragilisés par des marges et des fonds propres qui s'amenuisent. Et les financements de l'Etat se réduisent après les soutiens exceptionnels liés à la pandémie. On peut s'inquiéter pour le bilan 2023 », résume Jean-Philippe Thiellay, le président du Centre national de la musique.
Venu à Bourges présenter une étude économique du CNM basée sur les déclarations de billetterie 2022 des 70 festivals musicaux les plus « structurés », ayant un budget supérieur à 80.000 euros et présentant au moins dix artistes, il ne voit guère de signes encourageants à l'horizon. « Il n'y a pas de faillites pour l'instant, les festivals sont plutôt très actifs pour rattraper le temps perdu, avec même une surabondance de propositions . Mais l'écart se creuse entre les charges en hausse de 19 % et les produits, en progression de 18 %, par rapport à 2019. »
Effet de ciseau
Certes l'effet de ciseau ne paraît pas dramatique ; toutefois cette moyenne cache des difficultés plus grandes pour les événements modestes, au budget inférieur à 500.000 euros, pour qui les recettes n'ont crû que de 11 %. Ce que confirme une enquête du syndicat des Musiques actuelles, réalisée auprès de 170 festivals indépendants à but non lucratif.
Les cachets ont grimpé de 13 % par rapport à l'avant-Covid, et cette fois, c'est plus net sur les gros festivals, ce qui laisse supposer des stars internationales plus gourmandes. Les coûts techniques ont explosé, eux, de 134 % du fait d'une pénurie de matériel et de personnel mais aussi du fait de l'augmentation de 8 % du nombre de groupes programmés. Plus de 50 artistes sont au menu d'un tiers des festivals. Les dépenses d'assurance ont également flambé de 49 %, et les frais de communication de 22 % pour se démarquer dans un contexte très concurrentiel.
L'émergence pénalisée
Côté recettes, pour encourager la reprise, les soutiens publics ont crû de 28 % en 2022, et les partenariats privés comme le mécénat de 21 %. Mais la manne étatique (+125 % par rapport à 2019), celle des collectivités territoriales (+6 %), celle du CNM (+167 %) va se tarir. Quant aux aides des organismes de gestion de droits, eux-mêmes affaiblis par la nouvelle réglementation européenne (Adami, Spedidam, SCPP, SPPF) ou par la diminution de leurs recettes (Sacem pénalisée par les fermetures de lieux), elles ont été réduites de 41 %. Enfin le prix moyen du billet a crû de 10 %, mais le CNM pointe une baisse de 5 % du nombre de tickets payants vendus.
« Si les gros festivals parviennent à équilibrer, pour les petits, le risque est majeur », souligne Jean-Philippe Thiellay. D'autant qu'une seconde étude du CNM sur les pratiques musicales de la génération Z (nés entre 1997 et 2010) montre leur appétence pour les grandes jauges et les stars internationales, dans un contexte où ces jeunes revoient à la baisse leurs sorties, pour des raisons financières ou pour se consacrer à d'autres activités… Un phénomène qui pénalise aussi les...
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