
À l’occasion du Sommet pour l’action sur l'intelligence artificielle, le ministère de Rachida Dati avait réuni l'intelligentsia culturelle pour parler avenir et business. Avec ses capacités quasi illimitées et son peu de considération vis-à-vis des artistes, l’IA est un enjeu clivant pour tout le secteur culturel. Reportage.
Avant même l’arrivée de la ministre de la Culture, la Bibliothèque François Mitterrand est déjà en pleine effervescence. Dès le début de son intervention, la ministre se félicite d’avoir réussi à inviter la culture au programme du sommet : « Pour la première fois, la culture est un axe à part entière d’une rencontre internationale sur ce sujet, se réjouit-elle. [...] Ce sommet n’est pas un aboutissement, mais le début d’une prise de conscience et d’un travail collectif. En tant que ministre de la Culture, j’ai la conviction que l’IA doit être un levier de souveraineté culturelle. »
De nouvelles possibilités pour les artistes
Lors de ce sommet, différents acteurs des mondes culturels et technologiques français et internationaux sont invités à discuter des problématiques et opportunités de l’IA, dans une ambiance somme toute assez techno-optimiste. La parole est aussi donnée aux artistes, qui ont exposé pendant deux jours à la Conciergerie de Paris un parcours d’œuvres faisant usage de l’intelligence artificielle. « Je considère que l’IA est une sorte de muse moderne qui élargit les frontières de mon inspiration, raconte Jean-Michel Jarre lors d’une table ronde. L’humain a toujours eu peur du progrès et de l’innovation, mais plus on embrasse rapidement ces nouveautés, mieux on les comprend et mieux on peut en contrôler les effets pervers. La technologie est le catalyseur des nouvelles formes d’expression dans l’histoire de l’art : c’est parce qu’il y avait le violon que Vivaldi a fait la musique qu’il a faite, c’est parce qu’on a inventé l’électricité qu’on a eu Jimi Hendrix et Chuck Berry, c’est parce qu’on a développé les composants électroniques que j’ai pu faire ma musique. » Aujourd’hui, le musicien utilise l’IA à travers un algorithme qu’il nourrit de ses propres créations, afin d’engendrer de nouvelles œuvres dans son propre style. « L’IA est une extension de notre imagination : l’artiste contrôle l’IA, comme il a essayé de contrôler un violon ou un basson », affirme-t-il.
Anticiper les risques
Pour autant, l’IA représente aussi une menace pour les artistes : dernier exemple en date, la journaliste américaine Liz Pelly rapportait fin janvier que Spotify aurait délibérément laissé des musiques générées par IA pulluler sur sa plateforme, et donc réduit la part de rémunération des “vrais” artistes. Autre problème majeur, les IA génératives utilisent des bases de données d’œuvres d’art bien humaines pour s’entraîner à créer des musiques crédibles, sans rétribution pour les artistes en question. « Dans le développement de l’IA générative (IAG), les entreprises ont massivement moissonné des contenus culturels protégés en ligne pour entraîner leurs modèles, sans le consentement des titulaires de droits et sans contrepartie, s’indigne Elizabeth Le Hot, directrice générale de l’Adami dans un récente échange avec La Lettre du Musicien. L’IA générative a besoin de données fraîches, diverses et de qualité. Sans cela, elle s’effondre et produit des erreurs. Ces données ont une...
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