De plus en plus de spectacles racontent les coulisses de l’information. À l’ère de la désinformation, une manière vivante de valoriser le travail journalistique. Et d’attirer un autre public au théâtre ?
En 2010, la documentariste Florence Martin-Kessler étudie à Harvard, aux États-Unis, lorsqu’elle rencontre sur un bout de trottoir Douglas McGray. Au détour d’une conversation, le fondateur du Pop-up Magazine lui détaille ce concept qu’il vient d’imaginer : faire monter sur scène des journalistes qui racontent un de leurs articles. Du journalisme vivant, en direct ? La Française est conquise, et à son retour, en 2014, elle s’en inspire pour fonder Live Magazine, dont le succès s’est, depuis, confirmé. Des auteurs, des journalistes, des documentaristes viennent ainsi régulièrement livrer sur scène, en huit minutes maximum, un récit bien ficelé sur leur travail. « L’idée est de raconter une bonne histoire, à la première personne, comme si le journaliste s’adressait à ses amis pendant un dîner », explique aujourd’hui Sonia Desprez, rédactrice en chef de Live Magazine.
Remaniées pour l’événement, ces chroniques de reportages ou d’enquêtes hors du commun sont souvent emplies d’émotion. Et si, ces dernières années, différents formats se sont multipliés (Live Magazine, Grand ReporTERRE, Radio live production), la motivation reste la même. Ces passeurs d’histoire et faiseurs de mémoire œuvrent à transmettre une vérité. C’est d’ailleurs là tout l’intérêt de leur présence sur scène : la véracité de ce qui est énoncé captive les foules.
Comment expliquer cet attrait pour le vrai dans un lieu – le théâtre – qui est par essence le temple de la fiction ? « Il ne se passe pas la même chose dans l’esprit du spectateur quand il sait que la personne qu’il écoute a vécu ce qu’elle raconte. L’identification au récit livré sur scène est plus forte », analyse le metteur en scène Sébastien Foucault. Dans Reporters de guerre, récemment présenté au Théâtre public de Montreuil (Seine-Saint-Denis), il fait notamment monter sur scène la grande reporter de la RTBF Françoise Wallemacq, qui a couvert la guerre de Bosnie dans les années 1990 et joue son propre rôle dans cette pièce de théâtre-documentaire – une forme théâtrale plus ancienne, qui s’appuie sur des faits et événements réels. « Tout ce qui est dit sur scène est vrai. J’avais une trentaine d’années quand je me suis rendue à Tuzla, en Bosnie-Herzégovine, pour couvrir le massacre. »
En 2016, c’est l’histoire de ce même massacre, la douleur d’une mère de famille endeuillée, l’effroi sur les visages, le sang sur les morts et les vivants, que Françoise Wallemacq raconte lors de la toute première édition de Live Magazine en Belgique. Une expérience vécue comme « hyper stressante » mais nécessaire, a fortiori dans un contexte où les fake news se multiplient, et où la nécessité croît de dévoiler les coulisses de la fabrication de l’information. « L’information, c’est un trésor qu’il faut préserver, souligne Fançoise Wallemacq. C’est important que les gens sachent comment on travaille, prennent connaissance des risques que l’on prend parfois au détriment de notre vie. »
Des “performances documentaires”
Voilà une dizaine d’années qu’Aurélie Charon, journaliste à France Culture, dévoile elle aussi l’envers du décor de son métier.
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