La sénatrice (PS) Sylvie Robert s’inquiète : le Plan culture et ruralité du ministère de la culture semble avoir oublié les tiers-lieux, ces espaces hybrides ouverts au partage. Or ceux-ci s’avèrent des leviers novateurs pour favoriser l’accès à la culture.
« Oups« Oups ! » : ainsi pourrait-on résumer la longue note publiée fin août par la Fondation Jean Jaurès et signée Sylvie Robert. La sénatrice (Parti socialiste) d’Ille-et-Vilaine déplore l’absence des tiers-lieux dans le Plan culture et ruralité proposé le 15 juillet par Rachida Dati. Un oubli étonnant en effet puisque ces structures, qui connaissent un succès de plus en plus large, sont à 34 % situées dans le milieu rural.
Le Plan culture et ruralité propose entre autres de « valoriser la culture et les initiatives locales » et de « soutenir les acteurs et le maillage culturels de proximité ». Le tout devant être doté de 98 millions d’euros sur trois ans (2024-2027), dont 18 millions alloués dès cette année… Une promesse qui semble fragile considérant le contexte politique (le renouvellement du gouvernement et sa possible censure par l’opposition) et budgétaire (un projet de loi de finances 2025 en suspens).
Pourquoi un tel oubli, alors même que les tiers-lieux « bénéficient d’un ancrage territorial fort, sont plébiscités par la population et font preuve d’une transversalité moderne et innovante dans leur approche ? », questionne Sylvie Robert. La membre de la commission culture du Sénat y voit un problème d’approche de la part du ministère de la culture, une approche « verticale, descendante et cloisonnée entre les diverses esthétiques de la création artistique ».
Historiquement, le ministère de la culture s’organise via un maillage d’équipements « presque exclusivement implantés dans les aires urbaines – à 89 % ». Les tiers-lieux viennent répondre à une demande de culture et de sociabilité, une sociabilité mise à mal depuis le covid-19 et même bien avant.
La note fait le lien avec le fait que le nombre de cafés/bistrots entre 1945 et aujourd’hui a été divisé par dix. Un phénomène accentué par l’affaiblissement des services publics et de l’éducation : « La moitié des dépenses engagées par le ministère de la culture et de la communication sont concentrées en Île-de-France, soit une dépense par habitant de 200 euros, quand elle ne dépasse pas 39 euros en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 20 euros en Bretagne et 10 euros à Mayotte. »
Or, il ne fait aucun doute que la culture a toute sa place dans ces espaces hybrides. 31 % des tiers-lieux se définissent comme culturels. Et en milieu rural, ils sont près de la moitié (43 %). 58 % des tiers-lieux proposent des activités culturelles et artistiques : diffusion artistique (74 %), pratiques amateurs (60 %), création artistique (49 %), accueil d’artistes en résidence (43 %), mise en œuvre d’actions d’éducation artistique et culturelle (28 %), ou encore accès à un service de type bibliothèque (18 %). Tous les champs sont couverts, même si les arts plastiques, le spectacle vivant et la musique sont prédominants.
Comment soutenir ces lieux ? La sénatrice avance plusieurs pistes. D’abord, « éviter toute politique nationale de labellisation ». Plutôt qu’un « cahier des charges uniforme », Sylvie Robert propose une évaluation des retombées des actions des tiers-lieux sur la population. Ensuite, il faut penser au-delà des cases pour un soutien soit au numérique soit à la culture, car ces lieux hybrides offrent souvent plusieurs disciplines.
Enfin, il faut créer un soutien financier pérenne pour les tiers-lieux culturels ruraux : un conventionnement sur plusieurs années pour venir consolider un tiers-lieu au moment où le premier élan s’essouffle et où il faut pérenniser les équipes. Et par là encourager ces lieux à bâtir de vraies politiques culturelles.
Tue-l’amour
« Le risque est, en voulant rationaliser un phénomène, de l’appauvrir », souligne cependant Ismaël Jamaleddine. L’ancien administrateur de la compagnie vocale et instrumentale La Tempête est président du Musée Sauvage, un tiers-lieu implanté dans l’ancien hôpital d’Argenteuil, en Île-de-France. Il craint que le principe d’évaluation préalable soit « d’une lourdeur sans nom, donc tue-l’amour pour de nombreux acteurs locaux ruraux qui n’ont pas la structuration et vont se laisser (mal) définir et évaluer par des gens qui sont loin d’eux ».
Ismaël Jamaleddine et Sylvie Robert se retrouvent sur l’importance de limiter la...
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