Au moins une soixantaine de salles françaises sont occupées par des étudiants et précaires protestant contre la politique culturelle et sociale du gouvernement. Les différentes mobilisations prêchent la convergence des luttes, créant des ponts avec des agriculteurs à Millau, des migrants à Marseille ou des écologistes à Chambéry.
L’Odéon-Théâtre de l’Europe a été le premier à être «occupé» le 4 mars, rejoint depuis par au moins 61 lieux. Le décompte est difficile à faire – il se murmure que certaines petites scènes choisissent d’afficher une banderole «occupée» afin d’éviter précisément de l’être ! Il ne faut pas croire cependant qu’il n’y a qu’une seule manière d’investir ces espaces scéniques désespérément fermés depuis si longtemps. Il faut distinguer la situation spécifique de l’Odéon de celle, par exemple, des étudiants qui «habitent» leur école au Théâtre national de Strasbourg, soutenus par l’équipe salariée et sa direction, ou encore des occupations, plus ou moins acceptées, par les directions des théâtres qui négocient en bonne intelligence les espaces alloués, participent aux débats et à l’intendance. Celles où les portes restent ouvertes à tous de celles dont les occupants interdisent l’entrée pour des raisons sanitaires, mais privilégient comme mode de lien avec le quidam de l’inviter à des petites performances quotidiennes dehors, sur le parvis des salles – c’est le cas notamment au Théâtre de la Colline à Paris, investi uniquement par des étudiants. La hiérarchie des revendications varie aussi d’un lieu à l’autre. Le succès de l’action doit-il se mesurer uniquement à la progression du nombre de lieux occupés ? Tentative de tour d’horizon d’un mouvement en cours d’invention, à la faveur d’un samedi déclaré journée d’action partout en France.
A Paris, «le groupe est addictif»
Donc ils sont toujours là, une quinzaine de jours après leur entrée musclée, sans concertation avec la direction de l’Odéon, dans l’imposant bâtiment du théâtre à l’italienne et symbole de l’occupation des scènes depuis 1968. Des intermittents du spectacle ou des travailleurs précaires exclus du régime de l’intermittence, rejoints parfois par des conférenciers, un cheminot ou du personnel de l’hôtellerie. Un tiers des occupants sont syndiqués à la CGT spectacle.
Leur nombre a été fixé et il est stable : 42. Ce qui implique que chaque fois que quelqu’un quitte le théâtre, une autre personne y entre dormir, pas deux ou trois. Les relèves se font à des horaires fixes, à 9 heures et à 18 heures – pas question d’entrer ou sortir à un autre moment, une exigence de la direction qui s’est trouvée débordée par une cinquantaine d’entrants, le 7 mars, laquelle causa une interruption temporaire totale de travail (ITT) de deux semaines au gardien. Au 2, rue Corneille, depuis,...
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