Créées il y a vingt-cinq ans par le ministère de la Culture en soutien à la création et la diffusion, les Scènes de musiques actuelles sont aujourd’hui souvent boudées par les jeunes amateurs de rap ou d’electro qui les jugent inadaptées à leurs besoins. L’heure est-elle venue de faire évoluer le modèle ?
Un groupe de potes qui jouent des reprises de rock, des évangélistes qui chantent gloire à Dieu sur de la musique caribéenne, un duo qui se défoule sur du grindcore. Ces trois formations ont peu de choses en commun, si ce n’est de se retrouver en ce vendredi soir à L’Empreinte, une salle de Savigny-le-Temple, en Seine-et-Marne, où, pour 6 euros de l’heure, chacun a réservé un studio de répétition. Yannis Auguste, le régisseur, n’aura pas besoin de passer trop de temps avec eux. «Ce sont des habitués qui viennent jouer deux ou trois heures chaque semaine», explique-t-il. A l’intérieur de chaque pièce capitonnée, de 20 à 90 mètres carrés, une console son et des enceintes, des amplis pour brancher basses et guitares, et une batterie, sans caisse claire ni cymbales. «Ils doivent amener les leurs, parce que ce sont des consommables», précise Yannis, qui, une fois les musiciens installés, va pouvoir aller donner un coup de main au bar. A quelques dizaines de mètres de là, de l’autre côte du hall, a lieu un concert de rap.
Comme la plupart des Scènes de musiques actuelles (Smac), ces salles subventionnées par le ministère de la Culture et les collectivités territoriales, celle-ci propose à la fois des concerts et des espaces de répétition. Plutôt orientée rock et metal, elle ne rechigne pas à ouvrir sa programmation à d’autres esthétiques musicales. Des rappeurs qui poussent la porte des studios de répétition en revanche, c’est très rare. «La plupart des groupes qui viennent font des reprises de rock et ont la cinquantaine», résume Yannis. Le directeur des lieux, Stéphane Labas, rappelle que Colonel Reyel a répété ici «au tout début de sa carrière», mais il reconnaît qu’aujourd’hui «c’est compliqué» d’attirer des jeunes qui pratiquent le rap, et plus encore ceux qui versent dans les musiques électroniques.
Diffusion, répétition et accompagnement
Un constat qui n’a rien de spécifique à L’Empreinte. C’est l’une des premières choses qui a frappé Matthieu Meyer lorsqu’il a pris la direction de L’Echonova, une Smac à Vannes, il y a quelques mois. «Aujourd’hui, énormément de jeunes font de la musique sur ordinateur, mais ils fréquentent très peu nos lieux, voire pas du tout», explique-t-il. Une situation qui le dérange, non pas parce qu’il n’arrive pas à remplir ses studios, mais parce qu’il a le sentiment de ne pas accomplir complètement sa mission : «Proposer un soutien à la création artistique.» Un objectif défini dès la mise en place du label Smac en 1998, lorsque le ministère de la Culture entreprend de subventionner des salles afin qu’elles «répondent à des missions de diffusion et d’accompagnement» et reflètent «la grande diversité d’expression des musiques actuelles», et qui concerne aujourd’hui 92 lieux en France. «Diffusion, répétition, accompagnement, c’est le triptyque historique des Smac», souligne Hyacinthe Chateigné, coordinatrice de l’observation pour la Fedelima, la Fédération des lieux de musiques actuelles. «Pour schématiser, à 16 ans, tu vas voir un concert dans une Smac, ça te donne envie de faire de la musique. Tu as besoin de répéter, alors tu vas dans un studio de la même Smac, et si tu veux avancer, elle peut te proposer un accompagnement.» Avec pour finalité de pouvoir un jour monter sur la scène de la Smac qui l’a suivi et a lancé sa carrière.
La formule a fait ses preuves, mais est-elle adapté aux nouvelles pratiques musicales ? Héloïse Derly n’en est pas certaine. Chanteuse au sein du duo electro-pop Pethrol, elle a eu l’occasion de fréquenter quelques Smac, sur scène ou en studio. Si elle ne manque pas de souligner la...
Lire la suite sur liberation.fr