Les règles sanitaires sont techniquement et financièrement intenables pour beaucoup d’organisateurs. Annulations en cascade dans 3, 2, 1…
Chaque fois, c’est la même scène. Un festival appelle son fournisseur habituel de matériel pour lui demander combien cela lui coûterait d’asseoir 5 000 personnes, comme l’exige la norme édictée par le gouvernement le 18 février (lire l’épisode 7, « Grand bad populaire pour les festivals d’été ») après des mois de tergiversations. Difficulté supplémentaire, ces 5 000 personnes devront être distanciées, il faut donc prévoir au moins 10 000 places assises. Alors, chaque fois, les organisateurs font la même tête dépitée devant les devis qu’ils reçoivent – quand on ne leur dit pas qu’il n’y aura de toute façon pas de gradins pour tout le monde. « Entre la location, l’étude de sol qui est nécessaire parce qu’on ne monte pas de gradins d’habitude, puis le montage, on est dans les 12 à 15 euros par siège », désespère ainsi Lisa Bélangeon, la coordinatrice de l’association qui porte le festival Au foin de la rue en Mayenne, dans la petite commune de Saint-Denis-de-Gastines. Difficile, de plus, de conjuguer ce surcoût à une jauge réduite et donc des revenus en chute libre, alors que son festival accueille d’habitude quelque 9 000 personnes par soir… Et encore, ce devis était généreux. D’autres festivals interrogés par Les Jours ont reçu des propositions à 20 euros le siège. « En gros, la location des gradins et de la scène nous coûterait 80 000 euros là où on dépense 30 000 euros pour le matériel d’habitude, résume François Floret, le directeur de la Route du rock, à Saint-Malo. C’est complètement délirant. »
Cette histoire de gradins est en train de devenir un nœud indémerdable pour beaucoup de festivals de l’été, qui approche très vite. Surtout, elle résume le moment de flottement où se trouvent en ce moment les rendez-vous de musiques dites « actuelles » dans la terminologie du ministère de la Culture, c’est-à-dire toutes celles qui se vivent debout. « On voulait un cadre, la ministre nous l’a donné. Depuis, on bosse dessus et on s’aperçoit que c’est difficile de le faire fonctionner », confirme Béatrice Desgranges, la directrice du festival électronique marseillais Marsatac. Trois camps se dessinent aujourd’hui. Le premier serait constitué des festivals qui veulent exister malgré tout, d’une façon ou d’une autre : les Vieilles Charrues à Carhaix (Finistère), qui comptent jouer dix soirs de suite, Les Suds à Arles (Bouches-du-Rhône), qui se recentrent sur le théâtre antique de la ville, ou le Midi Festival à Hyères (Var). Directeur de ce festival de découvertes, Frédéric Landini a tiré un trait sur les gradins et compte sur la souplesse de sa petite organisation pour trouver une façon de jouer quand même, en passant « de 1 500 personnes à 800 par soir, mais debout. J’ai envie de garder l’espoir qu’avec les vaccins et le beau temps, on y verra plus clair dans quelques semaines ». Le deuxième camp regrouperait des festivals qui se trouvent dans un entre-deux pas du tout confortable et n’ont pas pris de décision, comme la Route du rock, les Eurockéennes de Belfort ou le Binic Folks Blues Festival, dans le petit port des Côtes-d’Armor. Le dernier groupe mêlerait des festivals qui ont déjà tout pesé et décidé de jeter l’éponge : Solidays à Paris, le Hellfest à Clisson (Loire-Atlantique), Garorock à Marmande (Lot-et-Garonne), ou Au Foin de la rue, en Mayenne.
Les incertitudes étaient trop...
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