Le ministère de la culture va présenter, dès janvier 2024, un plan baptisé « Mieux produire, mieux diffuser ». Il souhaite notamment favoriser les mutualisations et les coopérations. Avec la volonté de ralentir la course à la création qui fait débat.
En 2024, le spectacle vivant subventionné est appelé à mener une petite révolution. L’enjeu tient en un slogan managérial : « Mieux produire, mieux diffuser ». Tel est le nom du nouveau plan qui sera présenté, courant janvier 2024, par le ministère de la culture aux partenaires sociaux (syndicats et organisations professionnelles). Partant du constat d’un déséquilibre grandissant entre un excès de production et une insuffisance de diffusion, la ministre de la culture, Rima Abdul Malak, entend « refonder le système » pour le rendre « plus vertueux ». « Le déploiement du plan Mieux produire, mieux diffuser constituera l’orientation majeure de la politique ministérielle pour le secteur de la création artistique », indiquent les documents budgétaires, et concernera « tous les champs du spectacle vivant », théâtre, danse, cirque, arts de la marionnette, opéra, orchestres, musiques actuelles…
« C’est une urgence, on n’a plus le choix, sinon on ne pourra plus produire et rien diffuser », résume, sans ambages, un bon connaisseur du dossier. Trop de créations tournent peu ou mal. Voilà près de vingt ans que cette observation est soulignée à intervalles réguliers (rapport Latarjet, en 2004, Entretiens de Valois, en 2009, rapport de la Cour des comptes en 2022). Et cette tendance de fond n’a cessé de s’aggraver.
Deux chiffres saisissants – fournis par les magistrats de la Rue de Cambon et repris par la ministre de la culture lors de la présentation, en septembre, du budget 2024 du ministère – résument la situation : en 2019, le nombre moyen de représentations d’un spectacle dans un centre dramatique national était de 3,7 représentations et de 2,3 dans une scène nationale. « Il fut un temps où les théâtres publics offraient a minima trois semaines de programmation. Aujourd’hui, c’est quatre à huit jours au maximum. Je trouve cela stupéfiant, déplore l’auteur et metteur en scène Joël Pommerat. Il y a sans doute des choix contraints, mais c’est désastreux, car cela empêche de faire évoluer et grandir un spectacle. »
Difficultés financières
Pour les labels et réseaux soutenus par la Rue de Valois, le contexte actuel ne cesse d’accentuer les difficultés financières. La récente décision de Stéphane Braunschweig de ne pas briguer un nouveau mandat à la tête du Théâtre national de l’Odéon, à Paris, et l’annulation des représentations des Emigrants, la nouvelle pièce de Krystian Lupa, au Théâtre du Maillon (scène européenne), à Strasbourg, sont là pour en attester. Après les longs mois de fermeture des lieux lors de la crise due au Covid-19, qui ont entraîné un embouteillage des productions, c’est désormais la crise inflationniste qui plombe les budgets et réduit fortement les marges artistiques.
La baisse des moyens disponibles pour la création est évaluée à plus de 20 millions d’euros en 2023 par la direction générale de la création artistique (DGCA). De plus, les collectivités territoriales (qui supportent majoritairement les institutions du spectacle vivant en région) peinent à maintenir leur financement. A ce contexte budgétaire très contraint s’ajoutent un vieillissement, une volatilité du public de moins en moins enclin à s’abonner et de jeunes générations davantage attirées par les usages du numérique. Enfin, le secteur du spectacle vivant doit mener sa transition écologique. Bref, c’est un peu la quadrature du cercle et, pour le ministère, une communication qui relève de la gageure.
Car comment mieux produire et mieux diffuser sans, de fait, réduire le nombre de créations ? Le propos n’est jamais tenu tant il est inflammable. Pourtant il existe un effet ciseaux (de plus en plus de compagnies...
Lire la suite sur lemonde.fr