Théâtres, salles de concert, orchestres, maisons d’opéra… beaucoup de structures ont dû tailler dans leur programmation pour limiter leur déroute financière. Une situation sans précédent, aux causes multiples et lourde de risques pour l’avenir des politiques culturelles.
Réduire une programmation déjà annoncée relevait jusqu’à présent de l’impensable pour les responsables d’équipement de spectacle vivant. Jusqu’à ce début 2023, où certains ont dû s’y résoudre, la mort dans l’âme.
En cause : la poussée inflationniste et l’envolée des prix de l’énergie qui, en l’espace de quelques mois, ont multiplié par trois ou quatre les dépenses pour chauffer et éclairer les bâtiments, assurer les déplacements des équipes lors des tournées et des opérations hors les murs, construire des décors, etc. « En 2023, nos dépenses d’énergie vont passer de 200 000 à 650 000 euros, soit le coût d’une production majeure d’une saison », calcule Loïc Lachenal, directeur de l’opéra de Rouen Normandie (494 300 hab). La scène lyrique normande connaîtra donc deux mois de chômage partiel en avril et en mai, avec cinq levers de rideau en moins.
Annulations en cascade
Au Théâtre public de Montreuil (111 400 hab.), la saison sera raccourcie de six semaines avec quinze spectacles à l’affiche au lieu de vingt-cinq. Points communs, la scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val-d’Oise, renonce à un projet dans l’espace public, coûteux car sans recettes de billetterie et nécessitant d’importants moyens humains. Pourtant, l’équipement n’a pas subi de baisse de subventions et les fluides des bâtiments sont pris en charge par l’agglomération.
Dans un communiqué publié le 28 février, le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), le Syndicat national des scènes publiques (SNSP) et Les Forces musicales (organisation professionnelle du secteur des orchestres et maisons d’opéra) évoquent « plusieurs centaines de représentations et déjà plus de 100 000 spectateurs perdus pour l’année en cours ».
En quelques semaines, la liste des annulations a pris des accents de litanie… qui risque de s’allonger. Ainsi à Nîmes (147 500 hab.), le Périscope, théâtre contractuellement engagé avec des artistes jusqu’en juin, compte revoir à la baisse sa programmation de l’automne. Même ceux qui ont encore de la marge aujourd’hui envisagent un avenir sombre. « Je redoute la fin 2023 et 2024, confie Pierre Kechkéguian, directeur du théâtre d’Auxerre [34 200 hab., Yonne], dont le contrat de gaz ne sera renégocié qu’en 2024. Parce qu’il s’agit de sujets sur lesquels nous n’avons pas de prise. »
Hausse de la masse salariale
L’inquiétude est d’autant plus profonde que, même si l’inflation et les prix de l’énergie s’assagissent, les gestionnaires d’équipement ne verront pas de sitôt leur horizon budgétaire s’éclaircir. « Car nous devons aussi appliquer les augmentations de salaires négociées l’an passé dans la filière du spectacle vivant », explique Maud Paschal, directrice du Périscope.
L’augmentation du point d’indice (dans les structures de droit public) et les augmentations de salaires consécutives aux négociations annuelles obligatoires ou liées aux conventions collectives (dans les structures de droit privé) ont en effet alourdi la masse salariale. « Entre 2021 et 2022, elle a augmenté d’environ...
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