Alors qu’il avait été promis aux musées qu’ils seraient prioritaires lors de la prochaine réouverture des lieux culturels, voilà leur sort lié à celui du monde du spectacle. Un changement de cap imputable aux intenses campagnes de lobbying menées par le théâtre et le cinéma, souligne dans sa chronique Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde ».
Par un tour de passe-passe dont il a le secret, l’Etat vient de changer la règle du jeu pour la réouverture des lieux culturels. Elle était prévue en trois temps : d’abord les musées et monuments, puis les cinémas, et enfin les théâtres – aller du moins au plus risqué. Ce sera tout le monde en même temps, peut-être à partir du 15 mai, comme l’a dit Emmanuel Macron, plutôt quand la situation sanitaire le permettra.
Admettons qu’il fallait redonner un espoir collectif. Qu’il n’est pas simple aussi de multiplier les règles selon les disciplines. « La culture est un tout, le plaisir est le même », dit-on dans l’entourage du président de la République, pour justifier le tir groupé (Le Monde du 3 avril). Mais cette unité autour du plaisir est une chimère. La culture n’est pas homogène, elle est même très inégalitaire. Entre les arts et les publics dans ses comportements. Entre gros et petits lieux, ceux qui sont amples et d’autres ajustés, riches ou pauvres, populaires ou confidentiels, subventionnés ou pas. Ce grand écart va gentiment déchirer l’unité que l’Etat veut afficher quand il s’agira de relancer la culture. C’est déjà le cas.
Car le changement de doctrine est surtout le résultat d’un intense lobbying du monde du spectacle, bien plus puissant que celui de l’art, et qui a promis le feu s’il rouvrait après les musées. Il a gagné. A la mi-mars, on lui a fait savoir que cinémas et théâtres rouvriraient en trois paliers : une jauge à 35 %, puis 65 %, enfin 100 %. Mais pas après les autres.
« On est cocufiés »
Au monde de l’art, on lui a dit quoi ? Rien. Nous avons joint une dizaine de lieux. Personne ne les informe depuis février. « On est cocufiés », dit un directeur de musée. Ils ont déjà mal pris le fait de ne pouvoir rouvrir en décembre 2020. On leur a demandé ensuite d’établir un protocole strict de...
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