Le passe sanitaire, en vigueur dans l’Hexagone, est déjà la règle dans une dizaine de pays européens. Les exploitants français figurent parmi les mieux aidés financièrement, avec les Italiens et les Allemands.
Les effets de la pandémie agissent toujours sur le cinéma européen comme un mauvais rêve un peu collant dont il est difficile de s’extraire. « Il faudra du temps aux salles pour sortir de dix-huit mois de crise dure », assure Laura Houlgatte, directrice générale de l’Union internationale des cinémas (UNIC), qui représente les associations nationales des exploitants européens. Elle reste malgré tout assez optimiste sur la capacité de rebond du secteur. En soulignant deux phénomènes encourageants : « Après la dernière période de fermeture des salles, la fréquentation est repartie très fortement en raison de la présence de films américains – ils faisaient cruellement défaut l’an dernier – et de films nationaux très attendus », dit-elle. A cela s’ajoute la certitude que « les salles de cinéma sont des lieux sûrs, puisque aucune contamination n’y a été tracée et les règles sanitaires sont bien appliquées ».
Aujourd’hui, la majorité des salles de cinéma en Europe reste handicapée par l’obligation de respecter une jauge de spectateurs qui se situe, selon les pays, entre 50 % et 65 %. En France, il a été mis fin à cette restriction mercredi 30 juin. Toutefois, le passe sanitaire y est en vigueur depuis mercredi 21 juillet. Cette mesure, fortement critiquée par les exploitants et les distributeurs hexagonaux pour avoir été mise en place trop vite et sans concertation, est pourtant déjà appliquée sans que personne n’y trouve à redire dans une dizaine de pays européens.
Aujourd’hui, la majorité des salles de cinéma en Europe reste handicapée par l’obligation de respecter une jauge de spectateurs qui se situe, selon les pays, entre 50 % et 65 %
Premier à l’adopter, le Danemark vient tout juste d’y mettre fin en raison de l’amélioration sanitaire, mais ce sésame reste notamment en vigueur en Grèce, en Autriche – où, comme en Italie, une première injection vaccinale suffit –, à Chypre, en Hongrie, en Lettonie, en Roumanie ou encore dans la moitié des Länder en Allemagne.
La fréquentation s’en ressent. « Là où le passe sanitaire est obligatoire depuis la réouverture des salles le 1er juillet, comme à Berlin, les entrées sont en baisse de 15 % à 20 % par rapport à juillet 2019 », précise Christian Bräeur, président de la Confédération internationale des cinémas d’art et d’essai, à la tête d’une quinzaine de salles à Berlin. A Dresde, en revanche, où ce document n’est pas nécessaire, la fréquentation reste équivalente à celle de juillet 2019, ajoute-t-il.
Simone Gialdini, directeur général de l’ANEC, l’association nationale des exploitants de cinéma italiens, prévoit « une baisse de 25 % à 35 % de la fréquentation en salles dans les prochaines semaines après la mise en place du passe sanitaire, le 6 août ». L’attestation que le spectateur est vacciné ou présente un test PCR négatif de moins de 48 heures est demandée dès 12 ans dans les cinémas transalpins, alors qu’elle n’est exigée qu’à partir de 18 ans dans l’Hexagone.
Recettes en basses eaux
La pandémie a déjà violemment affecté les cinémas européens en 2020. Selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel, la fréquentation en salle a chuté de 73 % en nombre d’entrées par rapport à 2019, même si certains pays comme le Danemark (− 44 %), l’Estonie (− 51 %), la Finlande (− 54 %) ou les Pays-Bas (− 56 %) ont montré une plus grande résilience.
Les pays où la part de marché des films américains est la plus élevée, comme la Roumanie, la Slovénie, l’Irlande, la Bulgarie ou la Hongrie, ont vu leurs entrées fondre davantage que la moyenne européenne. A contrario, Europa Cinemas, réseau de 1 216 salles dont la programmation est majoritairement européenne, n’a perdu « que 62 % » en 2020, selon Claude-Eric Poiroux, son directeur général. « Nous avons mieux résisté, grâce aux films nationaux, que les salles fortement dépendantes des blockbusters américains », note-t-il.
Les sept premiers mois de 2021, avec leurs lots de refermetures de salles liées aux nouvelles vagues de Covid-19, les mises en place de jauges et de protocoles sanitaires coercitifs, n’ont pas permis de revenir à un étiage équivalent à celui de 2019. Les recettes restent toujours dans de basses eaux, tant qu’une jauge stricte sera appliquée.
Christian Pfeil, exploitant du cinéma Arena à Munich, appelle de ses vœux la fin de l’obligation de garder 1,5 mètre de distance entre deux groupes de spectateurs. Selon Comscore, avec un peu moins de 7 millions d’entrées en juillet, l’Allemagne a toutefois enregistré un très fort rebond (+ 277 % par rapport à juillet 2020) pour revenir à des résultats moins bons qu’en juillet 2019 mais comparables à ceux de juillet 2018.
Selon le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), la fréquentation en France, dopée par une offre attractive de 52 films, a atteint 14,1 millions d’entrées en juillet, soit trois fois plus qu’en 2020 mais en baisse de 22,8 % par rapport à 2019. Sur les sept premiers mois de l’année, la France accuse encore un retard de 40,7 % par rapport à la même période en 2020. « Avec le déploiement du passe sanitaire, la dynamique observée en juillet s’est nettement ralentie et la fréquentation quotidienne a retrouvé son niveau de fin juin avec une jauge à 65 % et un couvre-feu à 23 heures », précise le CNC.
Jeu des plates-formes
« Les aides financières publiques ont connu une géographie variable selon les pays », souligne Laura Houlgatte. En France, en Norvège, en Suède, en Allemagne ou en Italie, les exploitants ont bénéficié d’une compensation pour leurs pertes de recettes de billetterie. L’Espagne a pour la première fois accordé des aides spécifiques au secteur, tandis qu’au Royaume-Uni seules les petites salles ont été aidées, contrairement aux gros circuits comme Odeon ou Cineworld.
Au Danemark ou aux Pays-Bas, les largesses accordées à toutes les entreprises pour faire face aux charges fixes (loyers, salaires) et les reports d’impôts ont bénéficié aux exploitants, souligne la directrice générale de l’UNIC. « Si bien que très peu de salles en Europe ont fait faillite depuis mars 2020, à l’exception de quelques-unes, déjà confrontées à de grosses difficultés avant la pandémie », détaille-t-elle.
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