De la fermeture des salles de spectacles, cinémas, musées et librairies avant le premier confinement aux couvre-feux successifs, le secteur a navigué à vue pendant douze mois.
Voilà un an que tout a commencé. Que le coronavirus et le Covid ont bousculé toutes les vies et singulièrement le monde de la culture, ses artistes, ses professionnels, ses entrepreneurs et ses publics. Musées, monuments, cinémas, théâtres, salles de concerts, bibliothèques, librairies, conservatoires... C'est en les voyant fermer, les uns après les autres, que les Français ont souvent réalisé qu'il se passait quelque chose. Quelque chose de pas normal, d'exceptionnel et d'un peu effrayant. Au pays de l'exception culturelle, des rentrées littéraires sacrées, du plus grand musée du monde, des 70 millions de touristes, au pays de Molière, Hugo, Offenbach, Monet et Halliday, que se tramait-il ? Avant les cafés, les restaurants, les écoles, les rencontres sportives, les bureaux et les petits commerces, les lieux de culture ont été les premiers à fermer. Et ils seront les derniers à rouvrir.
Emmanuel Macron est au théâtre
Pour beaucoup, le premier signal est venu le samedi 29 février 2020. En plein week-end, l'exécutif interdit «tous les rassemblements de plus de 5000 personnes en milieu confiné». Le lendemain, Le Louvre ferme ses portes, sous la pression des syndicats. Dans les jours qui suivent, la jauge est rabaissée à mesure que l'épidémie progresse. Le 7 mars, Emmanuel et Brigitte Macron sont au théâtre, pour prouver que tout va bien. Mais dès le lendemain, les rassemblements de plus de 1000 personnes interdits. Si bien que les plus grandes salles, comme l'Opéra de Paris, se résolvent à fermer quand d'autres limitent les entrées du public en maugréant. Le 13 mars, un nouvel arrêté interdit les rassemblements de plus de 100 personnes. Le ministère de la Culture appelle alors toutes les structures qui sont sous sa tutelle, musées et bibliothèques, à limiter leurs activités ou à fermer au public.
Le 14 mars, la crise sanitaire entre en «phase 3», selon la nomenclature arrêtée par les autorités sanitaires. La France compte désormais 4499 cas de contamination et 91 décès. Ce jour-là, le premier ministre Edouard Philippe annonce la fermeture «jusqu'à nouvel ordre», de «tous les lieux recevant du public» et étant «non indispensables à la vie du pays». Cela concerne «les restaurants, les cafés, les cinémas et les discothèques». Plus largement, cette décision va s'appliquer à «tous les commerces, à l'exception des commerces essentiels». Le surlendemain, le premier confinement commence et le secteur culturel est purement et simplement mis à l'arrêt.
Au fil des près de deux mois de confinement, les perspectives s'assombrissent et les annulations des manifestations culturelles tombent en cascade. Le Festival de Cannes au mois de mai, Solidays en juin, le Hellfest, Le Festival d'Avignon, Les Vieilles Charrues, Les Francofolies... De nombreux rendez-vous d'importance préfèrent renoncer, d'autant qu'Emmanuel Macron précise le 13 avril que les «grands festivals et événements avec public nombreux ne pourront se tenir au moins jusqu'à mi-juillet prochain». Le cinéma non plus n'est pas plus épargné. Fermetures des salles, sorties de films repoussées et tournages compromis... La profession fait face à une crise inédite.
La perspective du déconfinement, prévu à partir du 11 mai, redonne des espoirs. Mais seuls les plus petits établissements reprennent une activité, en ordre dispersé, contraints par la limitation de déplacements à un rayon de 100 kilomètres. La véritable sortie du tunnel n'a lieu que début juin. Les musées et les monuments peuvent rouvrir à partir du 2 - sauf dans les territoires placés en Île-de-France, à Mayotte et en Guyane, qui doivent patienter jusqu'au 22 juin. Les visiteurs peuvent revenir mais à condition de porter ces fameux masques que l'on trouve enfin dans le commerce. Les grands musées peuvent eux aussi accueillir du public. L'été sera tout de même marqué par une baisse de la fréquentation et des recettes de billetterie, surtout chez les plus dépendants à l'international. Le musée du Louvre voit sa fréquentation dégringoler de 75% en juillet et de 60% en août par rapport à l'année dernière.
Les salles de spectacles et théâtres sont eux aussi autorisés à rouvrir, avec là encore un dispositif adapté. Côté concerts, le public peut seulement assister à des concerts de moins de 5000 spectateurs et en étant assis, un siège séparant chaque groupe. Le 15 août, Jean Castex annonce la prolongation jusqu'au 30 octobre de l'interdiction des événements de plus de 5000 personnes. Le 22 juin, c'est enfin le lever de rideau au cinéma après trois mois d'arrêt. La très grande majorité des 2000 cinémas de France propose à nouveau des séances, avec des salles remplies à 50% de leur capacité au maximum. Mais pour les festivals, c'est déjà trop tard : tous ont annulé. Avec les congés et l'été, chacun se prend à rêver en un retour à la normale pour la rentrée.
Pour conjurer les mauvais présages, les acteurs du secteur culturel avancent malgré tout des propositions pour maintenir leurs activités. Après un été difficile avec 500 millions d'euros de perte de chiffre d'affaires, les patrons de cinéma retrouvent un peu le moral. Grâce à la météo et à de nouveaux films, le box-office repart légèrement à la hausse. Le Louvre refuse de se projeter au-delà du 30 septembre, date à laquelle doit prendre fin la réorganisation pensée pour la réouverture. Plus sereins, les musées de moindre taille misent sur la fidélité des visiteurs locaux. Annulées dans plusieurs villes majeures (Lille, Bordeaux, Ajaccio), perturbées par les mesures sanitaires, les Journées européennes du patrimoine sont tout de même maintenues.
Mais la fin des vacances est d'abord marquée par un retour des statistiques inquiétantes. En quelques semaines, l'insouciance de l'été a cédé devant les inquiétudes. Cette fois encore, le secteur culturel compte parmi les premiers touchés. Lorsqu'un couvre-feu entre en vigueur le 16 octobre en Ile-de-France et dans huit métropoles, le premier ministre Jean Castex précise que «les règles doivent être les mêmes pour tous». Pas question de voir le public obtenir des dérogations pour les sorties de cinémas ou de théâtres au-delà de 21 heures. Producteurs, patrons de salles et de théâtre dénoncent cette décision sanitaire prévue pour quatre semaines, criant même au scandale ou à l'injustice. Ils veulent des assouplissements ? L'épidémie se répand et le couvre-feu s'applique bientôt à 54 départements.
Fin octobre, le rideau tombe à nouveau. Alors que concerts et pièces de théâtre reprenaient timidement, l'annonce du reconfinement jusqu'en décembre ramène le spectacle vivant à ses pires heures du printemps, avec des salles qui gardent portes closes. Le même sort est réservé aux cinémas et musées, ainsi qu'aux librairies. Principale différence avec le printemps ? Toute l'activité dans le pays ne sera pas interrompue. À Matignon, Jean Castex dit ce qui est essentiel et ce qui ne l'est pas. Tout le monde comprend bien vite que théâtres, musées, cinémas et librairies sont, dans une décision décriée, rangés du même côté que les produits de maquillage, les bouquets de fleurs et le papier peint : «non-essentiels».
Une date est fixée pour le redémarrage du secteur culturel : le 15 décembre, jour du déconfinement général. Mais une nouvelle déconvenue intervient lorsque Jean Castex annonce trois semaines supplémentaires de fermeture, provoquant la consternation des professionnels de la culture. «On est en train de nous tuer», cingle Charles Berling, directeur des théâtres Liberté et Châteauvallon à Toulon.
Les bilans de fin d'année viennent à l'appui de leurs propos. 2020 aura bel et bien été cauchemardesque pour le secteur. Les salles de cinéma auront été fermées pendant 162 jours. Résultat, la fréquentation des cinémas français chute de près de 70%. Le bilan du Centre national du cinéma est catastrophique. Victimes de la pandémie, les salles ont enregistré 65,10 millions d'entrées, contre 213,07 millions en 2019. «Sur l'ensemble de l'année 2020, la fréquentation atteint 30% de celle observée en 2019», souligne le CNC dans son rapport annuel.
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