DÉCRYPTAGE - Quatre jours après le lancement du festival In, le 29 juin, le Off entamera son marathon. Un endroit idéal pour repérer des pépites. Mais, pour découvrir de nouveaux talents, il faut des moyens financiers.
C’est le rendez-vous mondial du spectacle vivant, et les professionnels du secteur ne le manqueraient sous aucun prétexte. À Avignon, le festival In présente 35 productions, du 29 juin au 21 juillet. Mais, à partir du 3 juillet, le Off lancera son marathon, avec pas moins de 1666 spectacles. Une occasion unique de découvrir de nouveaux talents, et aussi de rencontrer des équipes artistiques, d’échanger sur la création culturelle aujourd’hui et de débattre de l’avenir, surtout en ces temps de restrictions budgétaires. Car il y a de tout dans le Off, où de nombreux responsables de salles viennent faire leur marché. Encore faut-il avoir le nez creux.
Jérôme Montchal, directeur d’Équinoxe-Scène nationale, à Châteauroux, déteste, lui, l’expression «faire ses courses». D’ailleurs, il ne se rend pas dans la Cité des papes avec une idée de «rentabilité». Il explique: «Je suis en formation continue. J’ai envie de créer des chocs esthétiques et de faire réfléchir. Il est important de soutenir des voix différentes, de révoltes, contraires à la doxa, au flot d’informations qu’on reçoit. Avignon est un endroit où on peut entendre des voix différentes.»
Nathalie Huerta, directrice d’une scène conventionnée, le Théâtre Joliette, à Marseille, qui a été pendant vingt ans celle du Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, a une approche semblable. «J’y vais moins dans une logique de marché. Nous effectuons plus un travail de communication que purement artistique. Il y a beaucoup de rendez-vous institutionnels, explique celle qui fait aussi partie du réseau Traverses (25 lieux de la région Paca). J’ai un compagnonnage collectif. Cette année, je verrai le spectacle de Tiago Rodrigues, Hécube, pas Hécube, à la Carrière de Boulbon pour me mettre à jour. Après, si j’ai un choc avec un spectacle, j’essaie d’étudier les possibilités que j’ai de le programmer.»
À la découverte les nouveaux talents
Avignon est un label de visibilité, de qualité, de prestige. Certains favorisent le repérage, cherchant de nouveaux metteurs en scène et de nouveaux auteurs. Une démarche qui demande beaucoup d’investissement en temps. Pour découvrir jusqu’à 35 spectacles par semaine, il faut assister à 4 à 6 représentations par jour. C’est le cas de Pauline Simon, codirectrice du groupe des 20 Théâtres Île-de-France et à la tête d’Houdremont, centre culturel à la Courneuve.
«Cela permet d’avoir un point de vue sur la création actuelle. La ville est un vivier de repérages très important. Quand il y a des perles, comme L’Exercice du super-héros, de la compagnie Nébuleuse, sur l’adolescence, on se passe le mot entre collègues.» Jérôme Montchal fonctionne de la même façon. En 2021, il avait repéré Any Attempt Will End in Crushed Bodies and Shattered Bones, du chorégraphe flamand Jan Martens. «Je programme son nouveau spectacle à la rentrée à Châteauroux.»
Mais le directeur d’Équinoxe doit toutefois prendre en compte une contrainte: le plateau de sa salle de 1100 places, l’un des plus grands de France. «Il mesure 36 mètres de mur à mur, calcule-t-il. Or 95 % des pièces que je vois à Avignon ne sont pas adaptées à cet espace. Je fais surtout mon marché dans le In. C’est là où il y a aujourd’hui des choses pour les grands plateaux.» Ce qui ne l’a pas empêché, en 2023, de partager ses coups de cœur dans le Off pour l’humoriste Waly Dia: «J’ai aimé son écriture et son jeu. J’avais aussi apprécié Benjamin Voisin, qui avait créé l’événement cette année-là avec Guerre, de Céline, mis en scène par Benoît Lavigne.» Il aurait aimé le programmer à Châteauroux, mais l’acteur, César du meilleur espoir masculin pour Illusions perdues, a été happé par le cinéma.
Jérôme Montchal ne s’en cache pas: «On rêve tous de découvrir le nouveau talent! Je n’ai pas de limites, il faut savoir casser sa tirelire. Souvent, je ne demande pas les prix des spectacles avant de les voir. J’achète des spectacles quand je ne les coproduis pas. C’est le cas cette année, où j’ai choisi Qui Som?, mélange de cirque et de théâtre de la compagnie catalane Baro d’Evel, et La Vie secrète des vieux, de Mohamed El Khatib, qui porte un regard ironique et tendre sur ses acteurs, qui ne sont pas professionnels.»
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