Le féminisme, la diversité, l’écologie, la sexualité… Aucun sujet ne semble désormais échapper aux créations pour la jeunesse, alors que de plus en plus d’artistes se saisissent de questionnements contemporains pour bousculer l’imaginaires du jeune public.
Sa perruque rouge tangue aussi follement que le plateau de tortillas qui gigote sur sa main gauche. Heureusement, comme tous les spectateurs ont un petit creux, l’assiette s’allège, vite fait bien fait, sans que la phénoménale énergie du personnage ne batte de l’aile. Elle ? C’est Valentina, la vedette de la pièce Tatiana, créée et jouée par Julien Andujar. Tantôt avec touffe, tantôt sans, Valentina, « l’amie imaginaire » de Julien, et lui ne font qu’un pour sublimer l’histoire vraie de Tatiana, sœur de Julien, disparue le 24 septembre 1995 à la gare de Perpignan. Elle avait 17 ans ; il en avait 11.
Depuis, le temps s’est arrêté pour la première tandis qu’il file pour le second devenu comédien. Il a conçu ce solo-hommage à Tatiana en 2022 et en diffuse deux versions : l’une longue avec scénographie lourde pour les théâtres et l’autre, sans aucun décor et d’une durée de quarante-cinq minutes, pour le jeune public. Présenté dans un sous-sol, le 10 février, au Carreau du Temple, à Paris, l’opus in situ, que la performance époustouflante de Julien Andujar tient à bout de bras, va voyager, entre le 7 mars et le 6 avril, dans des lycées de Paris et de l’Ile-de-France dans le cadre du festival Danses et enfances Pulse, piloté par l’Atelier de Paris.
Bascule
« Il me semble que les lycéens peuvent être particulièrement sensibles à cette fiction autobiographique qui prend autant racine dans le réel que dans l’imaginaire », indique Anne Sauvage, directrice de la manifestation. Un point de vue tempéré par Julien Andujar. « Je pense que Tatiana peut être vu à partir de 11 ans. C’est l’âge auquel j’ai vécu la disparition de ma sœur et il est important qu’on se réapproprie son histoire aussi tragique soit-elle. Il faut en revanche que les enfants soient accompagnés pour qu’il y ait une discussion possible après la représentation. »
Tatiana met en lumière combien les thèmes et les enjeux des spectacles destinés au jeune public ont basculé depuis une dizaine d’années. « On y retrouve aujourd’hui, qu’il s’agisse du théâtre, de la danse ou de la musique, tous les questionnements qui agitent la scène contemporaine : le genre, le féminisme, la diversité, la sexualité, commente Sandrine Weishaar, conseillère jeunesse à l’Office national de diffusion artistique (ONDA). Il faut tout de même rappeler que Oh Boy !, d’Olivier Letellier, qui raconte l’histoire d’un jeune homme homosexuel qui devient seul responsable d’une fratrie, a été créé en 2009 et fait partie, ainsi que Plutôt vomir que faillir, de Rébecca Chaillon, des spectacles marqueurs de ce que l’on appelle le jeune public. »
Aucun sujet ne semble désormais échapper aux créations pour la jeunesse. Joanne Leighton a imaginé, pour les 6-10 ans, Le Chemin du wombat au nez poilu, dans lequel elle revisite le débat écologique et celui du réchauffement climatique en évoquant la géographie de sa terre australienne. « Nous vivons dans un monde très sombre et il est crucial que les enfants puissent entendre et se sentir concernés par ce que nous vivons tous », précise-t-elle.
Quant à Betty Tchomanga, née d’un père camerounais et d’une mère française, elle présente quatre pièces intitulées Histoire(s) Décoloniale(s), destinées aux collégiens. « Certaines personnes me disent que c’est trop compliqué pour des adolescents mais je ne pense pas, dit-elle. Les quatre portraits d’artistes que j’ai chorégraphiés, témoignent de leurs parcours personnels en évoquant aussi la grande histoire. Ils tombent le masque et créent un lien immédiat avec les ados. » Elle insiste sur le fait qu’elle n’a « pas édulcoré son propos et fait aucune concession sur l’écriture. »
Roue de secours
Mais le jeune public, qu’est-ce que c’est exactement ?
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