Le président de la région a demandé le feu vert du gouvernement pour engager une expérimentation qui permettrait d’encadrer la réouverture des cinémas, musées, salles de concert ou théâtres en limitant au maximum la propagation du Covid-19 par aérosols.
Mettre la science au service de la culture. Cette phrase pourrait résumer grossièrement la proposition du président PS de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, au Premier ministre, Jean Castex et à la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot. Dans deux lettres datées du 25 janvier et du 1er février – restées à ce jour sans réponse – l’élu écrit : «Il n’est pas acceptable que la protection sanitaire des citoyens se résume à interdire toute vie culturelle.» Pour «avancer dans cette période mortifère», Alain Rousset demande le feu vert pour engager «une expérimentation avec suivi scientifique» sur son territoire. Ce «protocole singulier» permettrait d’encadrer la réouverture des cinémas, musées, salles de café-concert, théâtres, opéras, studios de répétition… «Nous ne sommes pas là pour taper du poing sur la table, mais pour apporter une solution constructive. Il faut nous préparer à ce que la crise dure. Peut-être même des années», argumente le socialiste, également en campagne pour les régionales.
C’est peu dire, qu’après onze mois à l’arrêt, les acteurs du monde culturel suivent cet échange avec grand intérêt. En Nouvelle-Aquitaine, 300 responsables de salles ont déjà levé la main pour intégrer l’expérience : de Poitiers à Libourne, en passant par Angoulême, Bordeaux, Limoges ou Périgueux. «Les personnels de santé font en sorte que nous puissions rester vivants. Nous, on a qu’une obsession, c’est que les spectacles puissent rester vivants. Les artistes ont besoin de retrouver la lumière», justifie Joël Brouch, directeur de l’office artistique de Nouvelle-Aquitaine.
«Miser sur des changements comportementaux»
Pour entrebâiller de nouveau le rideau sur scène, pas de baguette magique, mais un simulateur informatique baptisé Opéra pour «outil probabiliste pour l’évaluation du risque par aérosols», développé par l’Institut technologique européen des métiers de la musique (Itemm). En lien avec le conseil scientifique régional – un premier contact a déjà été établi avec un pneumologue – l’outil aura pour mission d’imaginer «la meilleure configuration possible» pour rouvrir les lieux culturels en «limitant le risque de transmission du Covid-19 par aérosols». Comprendre : le mouvement des particules invisibles en suspension dans l’air. La directrice de l’Itemm, Carole Le Rendu, en détaille les contours : «Jauge, hauteur de plafond, type de scène, d’instruments, caractéristique de la ventilation, durée du spectacle… Au total, nous avons identifié trente paramètres qui seront actualisés selon l’évolution de la crise. Notre diagnostic fournira aux responsables de salles des éléments tangibles pour aider les autorités publiques à la prise de décision. Car attention, nous ne sommes ni un organisme de santé, ni les autorités publiques. On ne donnera pas l’autorisation d’ouvrir ou non.»
L’expérimentation de la région prendra aussi en compte le flux des personnes (entrée, sortie, entracte…) les points de contact où le virus peut se déposer (poignées, interrupteurs…), la logistique associée à la configuration (files d’attente, sièges…), la désinfection de salles… Opéra s’inspire des travaux sur des modèles de propagation de la grippe. «Tous les scénarios seront imaginés avec le masque, précise la chercheuse. On le rappelle d’emblée car des artistes nous ont assuré qu’ils ne joueront pas, “par principe”, devant un public masqué. Ils ont besoin “d’interagir”.» Des professionnels de la culture s’interrogent aussi sur «l’intérêt de venir à un concert sans pouvoir danser, sauter, chanter fort ou prendre son voisin dans les bras» porté par l’euphorie du moment. «Sur ce point, les salles devront considérer l’impact des protocoles sanitaires, miser sur des changements comportementaux. Tous ne sont pas prêts à l’accepter», concède Caroline Le Rendu. Si le gouvernement répond positivement, des tests avec public seront mis en place dans une douzaine de villes en Nouvelle-Aquitaine. L’Itemm espère aussi élargir sa base de données en testant son outil «dans de petits espaces types bars ou caves». Des lieux où les jeunes artistes font souvent leurs premiers pas.
Cahier des charges sanitaire ultra-encadré
Ailleurs, en France, les initiatives se multiplient pour expérimenter l’ouverture d’activités culturelles. C’est le cas à Strasbourg par exemple. La ville a imaginé un scénario, soumis mardi au Premier ministre, pour trois publics prioritaires : les enfants, les étudiants et les personnes en situation d’isolement familial, financier et /ou psychologique. Les musées et les salles de cinémas seraient soumis à un cahier des charges sanitaire ultra-encadré : espacement entre les spectateurs ou visiteurs, suppression des espaces exigus, placement organisé et imposé par le personnel, aération et désinfection entre chaque séance…
A Marseille,...
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