L’Espagne est l’un des rares pays d’Europe à avoir laissé ouverts musées, théâtres et cinémas. Mais la pandémie a renforcé la précarité du secteur, dans un pays où le statut d’intermittent du spectacle n’existe pas.
L’Espagne est, avec le Luxembourg, le seul pays d’Europe à avoir laissé ouverts, depuis septembre 2020, ses salles de cinéma et de théâtre, comme ses principaux musées. Cette exception ne manque pas de « provoquer une certaine surprise, dans un pays qui n’a jamais vraiment fait de la culture l’une de ses priorités politiques », ironisait en janvier le quotidien catalan La Vanguardia.
Dès le mois de juillet 2020, le Grec, festival de cinéma et de théâtre de Barcelone, donnait le signal, alors que la plupart des manifestations théâtrales européennes, à l’instar d’Avignon, n’ont pas vu le jour : cette édition dite « de l’espoir », organisée à jauge réduite dans plusieurs salles de la ville, a attiré près de 26 000 spectateurs.
À Madrid, le Prado a organisé à l’automne dernier, comme prévu, son exposition événement intitulée « Invitadas », autour des tableaux de ses collections, peints par des femmes, mais jamais mis en avant, tandis que le Reina Sofía a pu ouvrir sans accroc son exposition sur le Néerlandais Piet Mondrian, de novembre à février 2021.
Et lorsque des dizaines de directeurs artistiques de salles en Europe, de Tiago Rodrigues (Lisbonne) à Milo Rau (à Gand, en Belgique), en passant par Wajdi Mouawad (La Colline, à Paris), réclament en janvier la réouverture de leurs espaces, en pleine deuxième vague de la pandémie, ils le font en reprenant le slogan qui s’est imposé, à l’issue du premier confinement, en Espagne : « Cultura segura », culture sûre.
Des professionnels de tous les secteurs ont en effet travaillé ensemble pour rédiger un manifeste, donnant des gages de sérieux aux pouvoirs publics (jauges réduites, masque et gel obligatoires, garanties sur la désinfection des lieux, etc.). Cette campagne a si bien fonctionné que des parlementaires ont reconnu, en septembre, la culture comme un « bien essentiel ».
« Nous avons voulu prouver qu’il n’est pas plus dangereux, et même moins risqué il me semble, d’aller au cinéma que de prendre un verre dans un bar », explique à Mediapart Gonzalo de Pedro, directeur artistique de la Cineteca, l’un des cinémas les plus stimulants de la capitale espagnole.
Le lieu a fermé ses portes dès le 10 mars 2020, à la demande de la mairie, quatre jours avant le décret sur l’état d’alarme pris par Pedro Sánchez, le chef du gouvernement. Il a rouvert ses portes, sans discontinuer, depuis septembre, même si des projections en plein air ont été organisées à partir de mi-juillet, dans l’enceinte des anciens...
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