DÉCRYPTAGE - Après avoir triomphé à Paris, de nombreuses pièces sont en tournée en France et à l'étranger. La stratégie de ces retours à l'affiche passe d'abord par l'aval des créateurs puis de nouvelles distributions.
Tout part du succès des pièces et de l'envie du public », affirme Camille Torre, chargé de la production des spectacles d'Alexis Michalik. Outre Le Porteur d'histoire, sur les traces d'un mystérieux trésor, ou Edmond, sur la naissance de Cyrano de Bergerac, du même auteur, d'autres reprises remplissent les salles partout en France, et parfois à l'étranger : Berlin Berlin, une aventure rocambolesque à la fin des années 1980 à Berlin Est, imaginée par Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras ; Les gros patinent bien, le cabaret de carton de Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan ; Oublie-moi, adapté par Marie-Julie Baup et Thierry Lopez, autour d'un couple en difficulté ; ou encore La Machine de Turing de Benoit Solès qui traite du code secret d'Enigma. Tous ont en commun d'être sans vedettes et d'avoir remporté un ou plusieurs Molières.
Le producteur Jean-Claude Houdinière a été l'un des premiers à avoir l'idée de « vendre » un spectacle en province. Alexis Michalik lui a emboîté le pas avec Le Porteur d'histoire créé en 2010 et toujours à l'affiche. Une trentaine de comédiens au total l'ont joué à Lyon, à Nantes, en Belgique, jusqu'en Tunisie début mars. Des théâtres à Bordeaux et à Marseille veulent le programmer. En attendant, il revient au Chêne noir, à Avignon, cet été et sera repris au Petit Montparnasse à Paris, en septembre. « Le Porteur d'histoire a été est un succès à Paris, pourquoi il ne fonctionnerait pas à Lyon ?, s'est demandé Camille Torre. N'importe qui peut demander les droits à Alexis Michalik. On fait en sorte que l'œuvre soit respectée et que l'homogénéité de la troupe soit conservée en donnant les moyens techniques pour la recréer à l'identique. »
«Salles remplies d'abonnés»
Le directeur du théâtre est chargé de choisir la distribution qui est ensuite soumise à Alexis Michalik. C'est l'auteur metteur en scène qui a le dernier mot. « On met en relation les créateurs, scénographe, costumier, compositeur et metteur en scène, avec les dirigeants des salles, et en contrepartie, on prend une partie des recettes », précise Camille Torre. « C'est plus risqué financièrement de monter une pièce à Paris qu'en province », signale Richard Caillat, qui produit Chers parents, la comédie familiale d'Emmanuel et Armelle Patron. Edmond, qui compte douze rôles, fait vivre une quarantaine d'acteurs et leur donne l'opportunité de travailler à côté.
Il est plus compliqué d'exporter le spectacle en Angleterre ou au Canada. « Il faut l'esprit et le savoir-faire, les décors et costumes sont fabriqués sur place, et le monter à l'étranger coûte plus cher », précise Camille Torre, qui a toutefois étrenné Edmond à Buenos Aires, en Argentine. « Une assistante metteur en scène a fait travailler les acteurs comme Alexis l'avait fait en 2016, il s'est ensuite rendu sur place pour finaliser le spectacle, poursuit le producteur. On a fait la même chose avec une autre de ses pièces, Une histoire d'amour, à Madrid en relation avec un producteur espagnol. Malgré la barrière de la langue, c'était réussi. »
Pour pouvoir faire tourner Oublie-moi, Marie-Julie Baup et Thierry Lopez ont formé deux duos d'acteurs. À l'affiche du Théâtre La Bruyère jusqu'en juillet, leur pièce sera ainsi présentée à San Francisco, avant de retrouver la France, puis de partir en Belgique et en Suisse. Tout est « multiplié » d'après Pascal Guillaume, à la tête de la société de production, la bien nommée Ki M'aime Me Suive. « Pour Les gros patinent bien, Pierre Guillois a l'entière maîtrise artistique, il gère tout du début à la fin. Il fait passer des auditions à des comédiens qu'ils dénichent sur des annonces ou par le bouche à oreille, précise-t-il. On a deux décors qui sont fabriqués, soit au siège de la compagnie à Brest, soit à Paris, et beaucoup plus de costumes. Il y a quatre acteurs par rôle avec Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois. Ils essaient toujours de nouveaux gags, le spectacle évolue sans cesse. »
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