Jouer en extérieur, dans des vitrines, face à un spectateur unique ou au travers d’un enregistrement audio… Depuis le début de la pandémie, les scènes institutionnelles lorgnent des dispositifs jusqu’alors cantonnés aux arts de la rue et aux marges.
Seul sur la scène d’un théâtre vide, un spectateur suit dans un casque audio des instructions préenregistrées : des actions enfantines, quelques gestes, une petite sculpture à bricoler avec de l’aluminium. Dans les gradins face à lui, un autre spectateur le regarde, puis sort, toujours sous les indications de la bande audio, contempler les rues dehors, pour mieux réfléchir sur les origines du théâtre et la puissance de l’imagination. Créé à distance en juillet 2020 pour l’édition réduite du festival de théâtre de Santarcangelo di Romagna en Italie, Tu respires dans le jardin comme dans une forêt a été imaginé «dans l’urgence» par le tandem espagnol El Conde de Torrefiel, habitué à des formes scéniques bien plus copieuses – et provocatrices (Kultur posait par exemple une centaine de spectateurs devant des acteurs pornos en plein acte). «Nous voulions faire redécouvrir un lieu de spectacle vivant différemment, explique la moitié du binôme Tanya Beyeler, dont la voix guide la performance en toute douceur, questionner les fondements du théâtre. Les conditions étaient claires : les limitations de déplacement nous empêchaient d’être présents, il fallait donc déléguer la réalisation à l’équipe du festival, mais nous voulions malgré tout éviter la vidéo. Le théâtre est un vieux dinosaure qui a besoin d’une coprésence.»
Crieurs publics
En dépit de restrictions sanitaires toujours plus extravagantes, le dinosaure a malgré tout pu montrer sa tête çà et là depuis le début de la pandémie, que les lieux soient fermés ou non au public. Au Bateau Feu à Dunkerque, au Sorano à Toulouse, et un peu partout ailleurs, du théâtre a bien été joué, mais pas toujours comme on l’entend, dans un dispositif frontal scène-salle. A Annecy, la scène nationale Bonlieu a maintenu et prolongé sa «Grande Balade» annuelle, à l’été, semant une soixantaine de propositions sur 4 kilomètres de randonnée. Un peu partout, des crieurs publics sont réapparus dans les rues, et des théâtres du circuit généraliste se sont essayés à des formes en extérieur, normalement cantonnées aux arts de la rue. Pour Jean-Sébastien Steil, qui dirige la Fai-Ar (formation d’arts en espace public), ces initiatives sont stimulantes mais toujours marginales. «Le réseau du spectacle vivant n’a pas l’habitude de mettre en valeur ce type d’initiative, il y a donc eu peu de communication, regrette-t-il. Ces spectacles circulent d’habitude très peu dans les théâtres subventionnés, par manque d’expérience logistique et de repérage artistique. Certains lieux semblent avoir eu recours à l’extérieur comme s’il s’agissait d’une nouveauté, alors que c’est une pratique courante depuis des décennies.»
Poupée vaudou
Depuis toujours stimulé par...
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