Face à la crise sanitaire, tandis que professionnel·les de l’art s’unissent pour en appeler auprès de l’État à une réouverture prioritaire, certaines villes ont d’ores et déjà déconfiné leurs musées. Provocation ou expérimentation ?
En quelques jours, ce sont quatre appels qui ont été lancés à la Ministre de la Culture Roselyne Bachelot.
Le 31 janvier, une tribune publiée dans Le Monde par un collectif de personnalités (Florence Belkacem, Carla Bruni-Sarkozy, Elsa Zylberstein...) plaidait pour la réouverture immédiate des lieux d’art et d’exposition. Le lendemain, The Art Newspaper Daily publiait une seconde missive, orientée autour du soutien financier aux artistes et acteur·rices culturel·les.
Puis, le 2 février, une pétition sur le site Change.org, un texte rédigé à l’initiative d’Emma Lavigne - directrice du Palais de Tokyo - et soutenu par une centaine d’acteurs de musées, Frac, fondations, écoles et centres d’art, réaffirmait la volonté de ces lieux de s’adapter pour accueillir le public, "même au compte-gouttes".
Le 7 février, enfin, onze journaux d’art se fendaient à leur tour d’une lettre ouverte plaidant en faveur d’une "réouverture graduelle" de ces lieux, également "pour que les enfants qui sont actuellement en vacances ou vont l’être prochainement puissent aller à la rencontre d’œuvres d’art autrement que sur un écran."
S’adapter encore, s’adapter à nouveau, s’adapter de plus belle
Fermés depuis le 30 octobre 2020, sans calendrier d’ouverture prévisionnel, l’"état de silence" et les "portes cadenassées" génèrent l’incompréhension chez les professionnel·les des lieux d'exposition et de culture.
Dans ces lieux, sans doute ceux "où les interactions humaines et les risques de contamination sont les moins avérés" affirme la tribune du Monde, on n’y mange pas plus qu’on y boit, on y circule en s’y croisant à peine, et surtout, l’on n’y touche à rien. Lors du premier déconfinement, dès la mi-mai pour les "petits musées", et dès mi-juin pour les plus grosses structures, des protocoles sanitaires extrêmement stricts avaient déjà été mis en place : frais de nettoyage, formation des gardiens, réduction des horaires d’ouverture et jauges revues à la baisse.
A présent, les signataires de la pétition - davantage conçue comme une lettre ouverte assortie d'un ensemble de propositions concrètes - se disent prêt·es à s’adapter, encore, à nouveau, autant qu'il le faudra.
Une poignée d’heures pour un "hiver culturel apprenant"
Parmi les pistes avancées, dans l’espoir de doter de son pendant hivernal l’"été culturel et apprenant", celle de rouvrir ne serait-ce qu’une poignée d’heures hebdomadaires, "le week-end lorsque les familles ont du temps, ou bien à l'inverse, comme en Italie, les jours de semaine".
Aux raisons évoquées pour une "réouverture prioritaire" des musées , se rajoutait l’annonce le 1er février de la réouverture des musées et des sites archéologiques en Italie dans les zones à risque modérées - à Rome, ou encore à Florence. Dans les pays frontaliers, en Belgique, en Espagne ou au Luxembourg, les musées le sont également.
En France, en l’absence de calendrier, les expositions ferment sans avoir accueilli de public, d’autres sont montées sans espoir d’en recevoir un jour, et les visites au compte-gouttes "réservées aux professionne·les", se multiplient face à l’impasse. Contraint et subi, ce mode opératoire fait néanmoins craindre que ne soit renforcée l’impression d’un entre-soi, alors même que la crise affirme de manière flagrante le rôle pédagogique et social des musées.
Expérimenter localement une réouverture progressive ?
Mi-janvier, la ville de Bourges proposait, dans un courrier adressé à la ministre de la Culture, d’expérimenter une réouverture échelonnée de ses lieux culturels. Une initiative portée par le maire Yann Galut (PS), destinée à mettre en avant la diversité des situations territoriales autant que des différents types de structures.
Le mardi 9 février, le maire de Perpignan Louis Alliot (RN) décidait de couper court au dialogue pour rouvrir en force ses quatre musées municipaux. Ouverts, ils l’ont bel et bien été quelques jours, attirant quotidiennement entre 200 et 300 visiteurs, avant que la décision, illégale, ne soit révoquée le 15 février par le tribunal administratif de Montpellier, saisi par la préfecture des Pyrénées-Orientales.
Tout en veillant à se désolidariser catégoriquement de l’initiative perpignanaise, le maire d’Issoudun André Laignel (PS) optait le 13 février pour la réouverture d’une partie du musée de sa ville. Dans le cas de l’Hospice Saint-Roch, celle-ci est partielle, ne concernant que les galeries contemporaines en plein air, selon une jauge de 30m2 par visiteur (contre les 10m2 actuellement préconisés pour les commerces), laissant closes les parties patrimoniales plus étriquées.
Vice-président de l’Association des Maires de France (AMF), le maire d’Issoudun déclarait espérer "que beaucoup de maires suivront cet exemple" tout en soulignant "le respect des règles de la République" – la décision est d’ores et déjà attaquée par le préfet, et le tribunal administratif saisi.
Les musées pêle-mêle, les "petits" et les grands, les publics et les privés
L’association France Urbaine, qui rassemble...
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