Les exploitants de salles de concerts et de théâtres ont de plus en plus de mal à assumer leurs loyers alors que leurs billetteries sont paralysées. La concentration guette et pourrait menacer l'écosystème.
Les exploitants de salles de concert, surtout de grandes jauges, sont excédés. « Sans spectacle depuis neuf mois, ils doivent continuer à payer les loyers, non seulement aux bailleurs privés, mais aussi aux collectivités locales propriétaires », observe Malika Séguineau, directrice générale du Prodiss, principal syndicat du spectacle vivant privé. Ces loyers ou redevances peuvent représenter de 20 à 60 % des charges de fonctionnement, souffle-t-on au Prodiss.
Ses adhérents exploitent, en délégation de service public, une cinquantaine de Zéniths et d'Arenas ainsi qu'une quarantaine de salles de moins de 2.000 places appartenant à des bailleurs parfois privés, souvent publics. « L'Etat appelle à la solidarité des acteurs mais certaines municipalités ne jouent pas le jeu alors qu'elles n'ont aucun intérêt à abandonner leurs délégataires », regrette un opérateur.
Tensions avec les élus locaux
« Les négociations avec les collectivités locales sont compliquées. On arrive en fin d'année budgétaire, elles manquent de visibilité. Et certaines équipes municipales ont changé », confirme Sylvie Robert, vice-présidente de la Commission Culture du Sénat.
Si des exploitants tel le Transbordeur à Villeurbanne, salle de 1.800 places, ont obtenu gain de cause, d'autres comme les Zéniths de Dijon, Rouen, Nancy sont toujours en pourparlers avec les élus concernés. « Nous sommes encore en discussion avec le département des Hauts-de-Seine et ce n'est pas si évident », confie le directeur de La Seine Musicale à Boulogne-Billancourt. Même constat pour Nicolas Dupeux, à la tête de l'AccorArena . « Les élus municipaux attendent la fin de l'année calendaire, on tient grâce au PGE et on espère une recapitalisation de nos actionnaires », dit-il.
Stop and go désastreux
Du côté des théâtres privés, ce n'est guère mieux. « Notre trésorerie est très éprouvée après sept mois de fermeture et les baux des salles parisiennes sont parmi les plus chers. Si certains bailleurs font preuve de compréhension, d'autres sont inflexibles. Deux théâtres ont ainsi vu leur compte bancaire saisi » expliquait récemment Bertrand Thamin, président du Syndicat national des théâtres privés devant le Sénat. Il espère que le crédit d'impôt égal à 50 % des loyers abandonnés (sur un à trois mois) promis par l'Etat aux bailleurs privés générera un geste de ces derniers.
Il y a urgence. « En août, le gouvernement nous a demandé de rouvrir à la rentrée pour montrer l'exemple… mais alors qu'une pièce s'amortit sur 4-5 mois, il a fallu refermer les portes au bout d'un mois et demi, après avoir entre-temps adapté nos horaires au couvre-feu ! » rappelle-t-il.
Ce « stop and go » a coûté cher en remboursements et en reports. Et le fonds de compensation pour jauge dégradée, annoncé le 26 août par le premier ministre, n'aura finalement été mis en place pour les théâtres que le… 10 novembre. Quant aux assureurs, ils ne veulent plus les couvrir, et le secteur doit réfléchir à un système mutualiste.
Difficultés avec les PGE
Une certitude, les 220 millions d'euros alloués au spectacle vivant privé par le ministère de la Culture suffiront à peine à combler le trou sur 2020. Le Prodiss estime à 250 millions d'euros le déficit cumulé des adhérents. Dans ce décor, 50 % des emplois permanents et 76 % des emplois intermittents générés par le spectacle vivant privés seraient menacés.
« Les pure players du spectacle vivant vont perdre 84 % de leur chiffre d'affaires en 2020. Dans un secteur composé à 80 % d'indépendants, la moitié des acteurs risque la faillite », s'inquiète Malika Séguineau. Beaucoup seront dans l'incapacité de rembourser les PGE contractés.« 2021 et 2022 vont être très compliquées. On n'enclenche plus rien. Les artistes émergents, eux, ont les ailes coupées », reconnaît Geneviève Girard, à la tête d'Azimuth Productions.
« Après avoir pris des mesures en faveur des intermittents, il faudrait...
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