Des spectateurs qui achètent leur billet mais ne se présentent pas aux concerts. Le «no-show», phénomène qui avait pris une ampleur alarmante durant la période du Covid, n’a pas complètement disparu et contrarie toujours patrons de salles et organisateurs de festivals.
On connaît depuis longtemps l’usage du surbooking chez les compagnies aériennes qui estiment qu’environ 5 % des passagers munis d’un billet ne se présentent pas à l’embarquement. La gestion du no-show, autrement dit ces gens qui font faux bond au dernier moment, apparu de manière spectaculaire à l’époque du Covid, est également une réalité dans le monde du spectacle et fait désormais partie du quotidien des producteurs de festivals et des exploitants de salles de concert. Rassurons tout de suite les anxieux, la loi interdit heureusement la survente de billets de concerts ou de festivals. «Nous ne pouvons pas faire de surbooking car nous n’avons pas de produits de substitution, explique Mélaine Bricet, directeur de la production au sein de la dynamique agence indépendante parisiano-rennaise Vedettes (300 artistes). En toute logique, il ne serait pas possible de programmer de concert de rattrapage pour les spectateurs qui n’auraient pas été admis.»
L’industrie du spectacle s’est d’ailleurs fait une belle frayeur durant la période du Covid. A l’issue des restrictions sanitaires, la reprise s’est en effet distinguée par un taux de no-show terrifiant, plus de 25 %, un phénomène mondial qui atteignit des sommets aux États-Unis où certaines salles indépendantes enregistrèrent jusqu’à 50 % de spectateurs absents bien que munis de billets. Certes, les tickets étant vendus, les chiffres d’affaires des producteurs et des artistes étaient au rendez-vous mais les perspectives paraissaient particulièrement sombres. Cette lame de fond de no-show annonçait-elle une désaffection du public pour le live ? Et quid des revenus des salles qui reposent en partie sur le bar ? Moins de public est en effet synonyme de chiffre d’affaires faiblard en termes de ventes de boissons, un revenu nécessaire pour les salles, surtout privées. Ajoutons aussi l’impact psychologique désastreux pour les artistes qui devaient se produire devant un public clairsemé.
Reprise difficile
Comme tous les grands marchés de l’industrie de la musique, la France n’a pas été épargnée par ce phénomène. «La communication changeante du gouvernement explique sans doute pourquoi les concerts qui ont eu lieu dans les mois qui ont suivi la fin du Covid ont été compliqués en termes de no-show», précise Mélaine Bricet. «Au début, on a eu le droit d’accueillir du public assis. Ensuite, il pouvait venir debout mais en ménageant des espaces entre les spectateurs. Après, plus besoin d’espacements mais le port du masque était obligatoire… Cette succession d’ordres et de contre-ordres a créé une confusion.» Angelo Gopée, le directeur général de la filiale française de LiveNation, le leader mondial des concerts, confirme : «La période de la reprise a été difficile parce que, dans certains cas, les gens avaient acheté leurs billets près de trois ans avant la tenue effective du concert. On tournait alors autour de 13 % de no-show. Le jour où le concert avait enfin lieu, certains spectateurs avaient oublié qu’ils avaient acheté une place ou n’étaient tout simplement plus libres.» Ajoutons à cela le fait que nombre de spectateurs craignaient un énième retour de l’épidémie et on comprendra que la reprise de l’industrie du live s’est avérée quelque peu chaotique.
Pourtant, après plusieurs mois d’incertitude, la situation s’est finalement inversée et le public se rue désormais dans les concerts. «Aujourd’hui, nous sommes revenus à un chiffre de no-show comparable à celui d’avant l’épidémie, en moyenne 6 %», remarque Angelo Gopée. Lors des concerts organisés par Mélaine Bricet, «ce taux est encore un peu plus élevé qu’avant le Covid, peut-être 11 %». Ces chiffres cachent néanmoins de grandes disparités entre les différents types de concerts. «Les no-show sont très faibles en ce qui concerne les concerts à très forte demande, comme Beyoncé par exemple, où ça ne dépasse pas les 3 %», ajoute l’homme de LiveNation. «Nous avons aussi remarqué que les spectacles assis en ont moins que ceux où le public est debout».
Le taux de no-show s’avère aussi plus élevé quand les places sont mises en vente très tôt indique Pablo El Baz, le directeur et programmateur du Trabendo, une salle parisienne de 900 places : «Un concert dont les places sont disponibles un an avant sa tenue risque d’avoir davantage de no-show qu’un spectacle du même type mis en vente quatre mois avant.» A cela s’ajoute aussi la rareté de l’artiste. «Les risques en termes de no-show sont plus importants quand le groupe annonce une autre date dans la même ville avant la tenue de son premier concert. Cela nous est arrivé avec le groupe belge Puggy qui avait fait la promotion d’une date supplémentaire quelques mois après la nôtre. Résultat, nous avons eu 30 % de no-show !», poursuit Pablo El Baz pour qui le phénomène est difficilement modélisable car «sans vraie logique». Mélaine Bricet de Vedettes corrobore cette analyse : «Il nous est arrivé d’organiser deux concerts de suite au Bataclan. Les artistes étaient différents mais les deux étaient archi-complets. Le premier a eu 7 % de no-show alors que celui du lendemain en avait le double ! Une autre fois, à l’Elysée-Montmartre, beaucoup de gens ne sont pas venus alors que tous les billets avaient été vendus depuis belle lurette. Nous nous sommes dit que c’était parce que, pour la première fois depuis des semaines, il s’était mis à faire beau et qu’une partie du public avait préféré profiter du soleil.»
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