A la faveur de la pandémie, les acteurs du disque diversifiés dans le live attirent les artistes, au détriment des producteurs de spectacles, privés de scène. Lorsque viendra le temps d'une reprise normale des concerts, on pourrait compter les morts.
Comme dans de nombreux secteurs, le coronavirus a accéléré des tendances déjà identifiées. Mais rarement avec autant de violence que dans la musique.
Dans ce big-bang, il y a de grands gagnants : les acteurs positionnés sur le streaming comme Believe , qui devrait entrer en Bourse en 2021 avec une valorisation attendue de 2 milliards d'euros. De grands perdants : les pure players du spectacle vivant, paralysés par les confinements, couvre-feux et restrictions de jauge. Et au milieu, mais plutôt en bonne position aussi, des acteurs pratiquant le « 360 », présents à la fois sur la musique enregistrée, le live, l'édition, le merchandising et l'audiovisuel, tel le gros indépendant Wagram Music ou les majors Universal Music, Sony et Warner .
Le fondateur de Wagram, Stephan Bourdoiseau, ne cache d'ailleurs pas ses velléités de croissance interne comme externe. « Le Covid-19 a transformé les usages. Les expériences de livestream se multiplient, la diffusion de contenus numériques explose, au détriment des supports physiques et du spectacle vivant. Mon projet, Wagram Stories, est une machine de guerre pour produire et distribuer des contenus culturels et créatifs dans le monde », assure-t-il, s'appuyant sur ses labels, sur W Spectacle (700 concerts par an), sur Wagram Films, Wagram Livre ou encore Wagram Publishing.
La filiale spectacle de Vivendi , Olympia Production, s'est associée avec son homologue Arachnée, pour sa part dans le giron de Sony Music, pour monter deux livestreams payants avec Matt Pokora le 8 décembre et Jenifer le 13. « Ce marché est plutôt réservé aux stars mondiales comme Kylie Minogue et plus compliqué à rentabiliser avec des Français. Mais dans un groupe comme Vivendi, on peut rediffuser les concerts ultérieurement sur nos chaînes my Canal, Olympia TV, C8 et C Star », précise Christophe Sabot, président d'Olympia Production.
« Le livestream est un projet d'avenir, Internet change la manière de découvrir et de promouvoir les talents. L'artiste peut rencontrer de nouveaux publics, habituellement trop éloignés de ses tournées », commente Benjamin Jourdain, directeur d'Arachnée.
Concentration
Believe, spécialiste de la distribution numérique, qui a aussi du live, ambitionne de suivre les artistes à tous les stades de leur carrière. « Le confinement a fait basculer beaucoup de consommateurs vers le streaming payant et pas seulement les jeunes. Nous avons accompagné les artistes pour produire des contenus, mobiliser leurs fans, mettre en avant leur catalogue, repenser l'expérience client et la monétiser », explique Romain Vivien, directeur général de Believe .
Autant de services qui séduisent des artistes soucieux de sécuriser leurs revenus. Difficile pour les pure players du spectacle de faire le poids. Leur chiffre d'affaires devrait reculer de 85 % sur 2020, tandis que celui du disque ne baissera que de 30 %. Et ces artisans n'ont pas le lobbying efficace des majors : alors que le crédit d'impôt phonographique vient d'être renforcé et prolongé jusqu'en 2024, celui du spectacle vivant ne l'a pas été.
Pourtant, les quelques 200 millions octroyés par le ministère de la Culture suffiront à peine à maintenir les producteurs hors de l'eau cette année...
« En renforçant le crédit d'impôt phonographique et pas celui sur le spectacle vivant, Matignon n'a pas compris qu'il contribuait à nous déstabiliser encore un peu plus, au moment où nous constituons une proie facile, où nos amis du disque sont en train de signer nos artistes », s'inquiète le patron d'Alias, Jules Frutos.
L'atterrissage, en 2021, pourrait être brutal. « Certains vont tomber et la diversité en souffrira. Ce modèle 360 est purement français ; ailleurs, les managers des artistes ont compris l'intérêt de séparer les prestataires pour ne pas mettre tous leurs oeufs dans le même panier », observe Christophe Davy, de Radical Production.
Evoluer, réfléchir à d'autres modes de diffusion est nécessaire mais compliqué pour ces PME. « Nous n'avons pas d'actifs contrairement aux maisons de disques. Et si nous voulons capter nos spectacles pour une exploitation ultérieure audiovisuelle ou sur Internet, les droits appartiennent aux labels », soupire le producteur Olivier Poubelle, à la tête d'Astérios. Du coup, le nouveau crédit d'impôt audiovisuel pourrait profiter plutôt au secteur du disque.
Même le plus important des producteurs...
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