L’occupation du théâtre de l’Odéon traduit le ras-le-bol du secteur, qui multiplie les actions militantes dans le vide et s’estime victime d’une iniquité que le gouvernement a de plus en plus de mal à justifier.
Quand la coupe a-t-elle commencé à être pleine ? Etait-ce la décision de ne pas rouvrir les lieux culturels le 15 décembre faute de perspectives sanitaires favorables, sans concertation préalable avec le secteur ? La reconnaissance par le Conseil d’Etat (saisi par les professionnels du cinéma, des salles de spectacles et musées dans les jours qui suivirent) d’une «atteinte grave aux libertés», rendue d’autant plus manifeste par la reprise des commerces et des offices religieux ? Les «clauses de revoyure», une le 7 janvier, une le 21 janvier, agitées au nez du secteur sans donner lieu à la moindre réévaluation de son sort ?
L’occupation du théâtre parisien de l’Odéon par une cinquantaine d’intermittents depuis jeudi intervient comme un point de rupture. Un geste symbolique qui met fin à la succession de non-événements encaissée par le monde culturel depuis sa mise à l’arrêt le 30 octobre. Les revendications des protagonistes, venus de la mobilisation organisée place de la République à l’appel de la CGT Spectacle, expriment plus particulièrement une exaspération à l’endroit des droits sociaux. Les suites de «l’année blanche» en faveur des intermittents ne sont pas garanties au-delà d’août 2021 : la crise perdurant, une mission de diagnostic de la situation a été confiée par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, à un conseiller de la Cour des comptes début février. Cerise sur le gâteau : le passage en force de la réforme de l’assurance chômage, présentée mardi par le ministère du Travail, est un coup porté aux salariés en contrats courts, dont un grand nombre travaillent dans la vaste galaxie de la culture.
Effet de routine
Avant d’en venir à investir les marbres de l’Odéon, la profession a d’ores et déjà parcouru un large éventail d’actions militantes. Manifestations, désobéissance civile et tribunes semblent avoir usé leur capacité à secouer efficacement le gouvernement, guettées par un amer effet de routine. Au point où l’on a le sentiment que la parution, mercredi dans le Monde, d’une lettre ouverte signée par 800 noms rutilants (Jacques Audiard, Léa Seydoux, Marion Cotillard, Vincent Lacoste…) n’est plus à même d’actionner la moindre avancée (ils demandaient la réouverture urgente des salles de cinéma), pas plus que l’appel d’une vingtaine de syndicats dans le Parisien quelques jours plus tôt, fédérés autour du hashtag #RebranchonsLaCulture.
La table ronde organisée jeudi par le Sénat avec les représentants du spectacle aura offert une énième synthèse d’enjeux qui ne procure plus qu’un effet sidérant d’interminable surplace. En outre, des réunions entre le gouvernement et les syndicats des salles de spectacles et du cinéma étaient prévues vendredi. Ces derniers ont finalement appris le report de la visioconférence à la semaine suivante. «Coordination et organisation préalable des différents ministères» et autre «ils ont plein de questions à régler avant» sont les motifs laconiques rapportés par les uns et les autres.
Expérimentations scientifiques
Même Roselyne Bachelot, ...
Lire la suite sur liberation.fr