L’instrumentalisation de la culture à des fins politiques n’est pas nouvelle. Elle est même au fondement de toutes les aides à la création et des politiques culturelles. Mais, de plus en plus, l’attribution de subventions publiques devient un moyen de contrôle et d’application de valeurs sociétales en vogue.
Loin de la poésie que l’on pourrait spontanément associer au monde de l’art, un nouveau terme technocratique est venu récemment enrichir le langage de la culture institutionnelle : la conditionnalité.
Cette conditionnalité, c’est celle des subventions, qui désigne l’ensemble des exigences et critères auxquels les bénéficiaires de financements publics doivent se conformer pour les obtenir, les maintenir, ou les renouveler. Ce terme importé des fonctionnements européens, en particulier du mode de sélection des États membres de l’UE, porte avec lui un double questionnement sur le sens des subventions culturelles publiques et la liberté de création.
De l’instrumentalisation politique de la culture…
L’instrumentalisation de la culture à des fins politiques n’est pas nouvelle. Elle est même au fondement de toutes les aides à la création et des politiques culturelles. La figure d’un artiste au service du pouvoir jalonne l’ensemble de l’histoire de l’art depuis l’antiquité. Jusqu’au XIXe siècle, les œuvres sont quasi exclusivement instruments du pouvoir religieux et politique. À partir de 1959, cette instrumentalisation est incarnée en France par André Malraux, qui voyait la culture comme un outil républicain de cohésion nationale. La culture, les grandes œuvres de l’humanité, et avant tout, les œuvres françaises, devaient faire repère pour tous les Français : le patrimoine et les hauts lieux de la culture, les grands musées, le Louvre en tête, les artistes du « génie français », Molière, les poètes, les musiciens, peintres et plasticiens.
Avec la décentralisation, après 1981, l’instrumentalisation politique de la culture s’est vue déclinée en de nombreux domaines aux différentes échelles des collectivités territoriales. Alors que la logique de cohésion nationale était véritablement mise en œuvre localement à la fin des années 1980 en termes de cohésion sociale, d’autres formes d’instrumentalisation apparaissaient. Les attentes envers la culture concernaient désormais le développement territorial, l’aménagement et l’économie. Elle commençait également à structurer la communication et l’image de certaines villes, selon des enjeux mêlés d’attractivité et de développement touristique.
Avec l’affirmation des exigences de cohésion sociale, de développement économique et de communication, le financement culturel public influe depuis les années 1980 sur les formes produites par les artistes qui « jouent le jeu des subventions ». De ces trois domaines, les problématiques du lien ou de la cohésion sociale ont peut-être été les plus abondamment financées. L’artiste de la cohésion sociale est devenu un acteur de terrain sortant de son atelier pour animer des ateliers avec des enfants, des personnes en précarité : chômeurs, personnes âgées, étrangers. Au cours des années 1990, l’artiste au service du pouvoir est devenu...
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