Un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles, rendu public ce 16 juillet, pointe les réussites du pass Culture, qui s’est imposé auprès des jeunes, mais aussi ses faiblesses en matière d’inégalités territoriales et sociales.
Dans la vie rêvée du pass Culture, il y a ce selfie où l’on voit deux jeunes de 19 ans dans la Cour d’honneur du palais des Papes, à Avignon. L’un habite Saint-Denis ; l’autre, Toulon. Il y a un an, ils ne connaissaient pas. En légende, ils ont écrit : « L’année dernière, pour la première fois, nous sommes allés au Festival d’Avignon avec le pass. Cette année, on y retourne seuls. » Difficile d’imaginer meilleure publicité pour le pass Culture, et son président, Sébastien Cavalier, ne se fait d’ailleurs pas prier pour raconter l’anecdote.
Dans la vraie vie, la réalité est différente. Le pass Culture, qui permet à tous les jeunes âgés de 18 ans de disposer d’une enveloppe de 300 euros (plus 80 euros pour les 15-17 ans) pour accéder aux activités culturelles de leur choix, n’est quasiment pas utilisé pour aller au théâtre. Les professionnels du spectacle vivant n’ont d’ailleurs pas de mots assez durs pour dénoncer ce pilier de la politique culturelle d’Emmanuel Macron jugé à la fois prohibitif – plus de 250 millions d’euros en 2024 – et porteur d’une vision purement consumériste de la culture. Quand ses défenseurs y voient à l’inverse une innovation majeure qui réinvente l’articulation entre l’offre culturelle et la demande des jeunes. Le débat ne s’éteindra pas de sitôt, en revanche un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) sur « Les impacts de la part individuelle du pass Culture », rendu public le 16 juillet, permet d’en objectiver un peu plus les termes. Même s’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives d’un dispositif vieux d’à peine trois ans.
Ce rapport, commandé en octobre dernier par l’ancienne ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, a d’abord le mérite d’actualiser les données sur le pass Culture. Une chose est claire : il s’est rapidement installé dans le paysage. Les jeunes de la première génération à y avoir accès (ceux nés en 2003) sont un peu moins de trois sur quatre à l’avoir utilisé. Une proportion qui s’élève à plus de quatre sur cinq (83 %) aujourd’hui. Le livre continue d’y occuper une place prépondérante, puisqu’il représente 84 % des offres disponibles sur le pass et un peu plus de la moitié des dépenses (54 %). Le manga n’en est plus le seul grand bénéficiaire, avec une forte poussée de la romance. Le cinéma occupe la seconde place (18 %), devant les achats d’instruments (8 %), les concerts (7 %), la musique enregistrée (5 %) et le matériel de beaux-arts (3 %). Le spectacle vivant et les musées sont, eux, réduits à la portion congrue (1 % chacun), ce qui n’a rien d’étonnant concernant les musées, dont les collections permanentes sont gratuites en France pour les moins de 26 ans.
Les inégalités perdurent
Ce recours massif au pass Culture se double d’une utilisation importante des crédits. Plus des trois quarts des jeunes liquident les 300 euros qui leur sont alloués. Pour autant, le rapport souligne aussi certaines limites parfois importantes du dispositif. Un sondage réalisé auprès des jeunes par l’Institut CSA dans le cadre de ce rapport montre ainsi que le pass ne parvient pas à gommer les inégalités territoriales et ne permet pas de lutter efficacement contre la reproduction sociale. Cette critique émise avec régularité par l’actuelle ministre de la Culture, Rachida Dati, n’est pas une surprise. Depuis qu’elles existent, les enquêtes sur les pratiques culturelles des Français montrent que l’appartenance sociale et plus encore le niveau d’éducation constituent des déterminants puissants en matière de pratiques culturelles. Il n’y avait donc aucune raison qu’on ne retrouve pas une même influence du capital culturel dans un dispositif comme le pass, fondé sur la demande de ses utilisateurs.
L’illustration la plus emblématique de ce phénomène se trouve dans le taux de téléchargement de l’application. Il est de 83 % sur l’ensemble des répondants au sondage, monte à 87 % chez les jeunes dont les parents sont diplômés de l’enseignement supérieur, mais dégringole à 67 % chez ceux dont les parents ont le certificat d’études primaires. Un écart de 20 points. « On couvre une grande partie de la population, mais concernant les publics les plus éloignés de la culture, nous sommes parfaitement conscients que nous devons être surperformants, reconnaît Sébastien Cavalier. Il y a encore beaucoup de travail à faire. »
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