Dans la ville frontiste depuis dix ans, les élus RN et les dirigeants de cet établissement culturel porté par Macron, qui programme des artistes d’horizons divers, se regardent en chiens de faïence, mais ne s’affrontent pas frontalement.
Après une plongée au cœur de la commission culture de l’Assemblée nationale, où siégeaient 11 députés RN, Libé s’est intéressé aux politiques culturelles menées localement par le RN. Deuxième étape à Villers-Cotterêts (Aisne), après Perpignan (Pyrénées-Orientales) et avant Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais) et la région Grand Est.
En 2014, le Front national avait conquis Villers-Cotterêts avec patience et difficultés. Trente-sept ans de militantisme et quatre candidatures aux municipales pour que Franck Briffaut, ex-militaire, gagne enfin la ville. Six ans et une autre élection plus tard, le maire reconduit se réjouit d’accueillir un ambitieux projet culturel, la Cité internationale de la langue française, voulue par Emmanuel Macron et chapeautée en partie par la philosophe et académicienne Barbara Cassin.
«Cité», et non musée. «Internationale» contre les tentations nationalistes et identitaires : voici quelques-unes des précautions mises en place par l’une des quatre directeurs artistiques. Car le risque de récupération de ce monument à la gloire de la langue française est grand, et les approches qui pourraient en être faites diamétralement opposées, de la plus mondialisée (comme c’est le cas actuellement, avec notamment des invitations en résidence à des auteurs d’outre-mer), à la plus chauviniste.
Chacun chez soi
Pour l’heure, l’équilibre se maintient. Le maire Briffaut s’est même frotté les mains à l’idée d’accueillir ce qu’un Cotterézien désignait sur France Info comme le «Château Macron». Compte tenu de la première place largement obtenue par le RN aux européennes (49,86 %), on est aussi surpris d’entendre Paul Rondin, le directeur de la Cité, nous dire que son programme culturel fondé sur le métissage de la langue et la variété des registres a largement été reçu avec le sourire par les habitants des alentours. Depuis son ouverture en octobre dernier, la Cité internationale de la langue française travaille à estomper les dissensions en s’inspirant des techniques de campagne des politiques avec des stratégies de terrain. Afin d’attirer son large public de 170 000 visiteurs en huit mois, les équipes du centre culturel se sont adaptées aux usages des habitants plus âgés et ruraux de l’Aisne, allant tracter sur les marchés plutôt que concentrer toute la communication sur des stories Instagram. Le directeur ajoute qu’il n’est pas là pour faire la morale aux habitants. La fracture politique n’est en effet «pas directement [son] sujet». D’après lui, le RN serait indifférent aux activités de la Cité : «L’ambiance est à la prudence chez beaucoup d’élus, entre et au sein des différents camps politiques.» Les deux camps gagneraient à s’éviter pour raisons diplomatiques. Chacun chez soi sans concession.
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