Passage en force à la tête de la scène nationale, invitation de personnalités de droite dure, événement nostalgique de l’Algérie française… dans la ville dirigée depuis quatre ans par Louis Aliot, les acteurs de la culture dénoncent une politique culturelle favorisant le «repli sur soi».
Après une plongée au cœur de la commission culture de l’Assemblée nationale, où siégeaient 11 députés RN, Libé s’est intéressé aux politiques culturelles menées localement par le RN. Première étape à Perpignan (Pyrénées-Orientales), avant Villers-Cotterêts (Aisne), Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais) et la région Grand Est.
«Perpignan la rayonnante» : voilà le slogan choisi par l’équipe de Louis Aliot, patron RN de la ville depuis quatre ans. L’un des derniers «événements» en date en dit long sur les initiatives choisies par la mairie pour «rayonner». Début mai, un «Printemps de la liberté d’expression» donnait en effet la parole à quelques «personnalités éloquentes», au rang desquelles Henri Guaino, ancienne plume de Sarkozy, le professeur Henri Joyeux, interdit d’exercice pour des propos antivax, ou encore l’identitaire octogénaire Alain de Benoist, ancien phare de la «Nouvelle Droite». Quelques semaines plus tôt, une expo photo organisée par la ville et le Cercle algérianiste de Perpignan dressait un parallèle entre les méthodes et la stratégie du FLN et celles du Hamas. Son titre : «Soixante ans après, l’histoire se répète.» Côte à côte, des clichés des victimes du 7 octobre et de la guerre d’Algérie.
«Refaire l’histoire à sa sauce»
De telles propositions ne peuvent qu’attiser les tensions entre les décideurs locaux, les acteurs culturels et les élus d’autres collectivités. «La mairie de Perpignan nous a sollicités pour le financement de projets culturels qu’à une seule reprise, dans le cadre d’une exposition de ce Cercle algérianiste qui veut refaire l’histoire à sa sauce et défend des contre-vérités. Nous n’avons pas donné suite», se souvient Hermeline Malherbe, présidente (PS) du département des Pyrénées-Orientales. Scène nationale de Perpignan, le Théâtre de l’Archipel fut dès 2021 au cœur des tensions, tandis que le directeur barcelonais Borja Sitjà était débarqué sans ménagement. Les tractations autour de sa succession ont perduré de longs mois. Le ministère de la Culture a finalement donné son feu vert, il y a un an, à la nomination de Jackie Surjus-Collet, soutenue par la mairie, à l’issue d’une «mission flash» de l’Inspection générale des affaires culturelles, tout en rappelant que son projet avait été retenu dans un «contexte inédit», «sans faire consensus».
«Perpignan n’a pas de politique culturelle claire, lisible et élaborée, analyse Agnès Langevine, vice-présidente de la région Occitanie. La proposition se limite à des animations, de la communication événementielle, sans projet culturel.» Certes, souligne l’élue, «les dotations municipales se sont maintenues pour les opérateurs les plus visibles». «Mais on est dans le folklore caricatural et commercial, sans aucune offre d’envergure, sans innovation», enchaîne Benjamin Barou-Crossman, metteur en scène et directeur de la compagnie TBNTB. Lui-même travaille depuis 2020 dans les quartiers prioritaires de Perpignan, notamment avec la communauté gitane. Or ce comédien estime que «la proposition culturelle de Perpignan a plutôt renforcé le repli sur soi et même l’entre-soi. Pourtant il y avait matière à impliquer et à mettre en avant les artistes de ce territoire riche en talents».
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