Antinomiques avec "l'ADN" des salles, "économiquement intenables", ambiance façon "Salpêtrière": capacités amputées et distanciation sociale inquiètent le spectacle vivant, musical ou théâtral.
Des annonces sont attendues jeudi pour éventuellement "commencer à rouvrir progressivement à partir de juin" selon le ministre de la Culture Franck Riester. Mais la filière, pour le spectacle en salle, reste sceptique dans l'état des préconisations actuelles.
"Un espace de quatre m2 pour une personne, c'est l'inverse de ce que nous voulons: rapprocher les gens", déplore auprès de l'AFP Aurélie Hannedouche, du Syndicat des musiques actuelles (SMA).
Les 150 adhérents-salles de concerts ont refusé "à une grande unanimité" de rouvrir avec les mesures préconisées par l'infectiologue François Bricaire, auteur d'un rapport au président de la République sur le sujet.
"Ce n'est pas dans notre ADN, qui est le partage entre artistes et public, et économiquement c'est intenable", acquiesce auprès de l'AFP Florence Jeux, à la tête du Bataclan à Paris.
"En raison de l'ambiance anxiogène, la demande du public pour se retrouver en masques dans des endroits fermés existe-t-elle ? On aura plutôt l'impression d'entrer à la Salpêtrière que dans un théâtre", renchérit auprès de l'AFP Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point à Paris.
"La réouverture" proposée "c'est un peu le ni oui ni non", selon lui. "Je ne vois pas comment ça peut être réaliste. Sur le plan économique: avec un siège sur deux ou un siège sur trois selon la taille de fauteuils, on ne peut pas assurer la production des spectacles, ni les dépenses de sécurité en plus".
- "C'est irréaliste" -
Ou alors, il faudrait "que l'Etat compense le manque à gagner", rebondit-il. "Dans beaucoup de théâtres comme le Rond-Point, la billetterie est une question de survie. Ici, nous sommes subventionnés seulement à 18% par la Ville et 18% par l'Etat".
"Pour les concerts assis, avec un siège sur quatre pour assurer la déambulation, comment on fait pour s'en sortir économiquement? On ne peut pas multiplier les prix par quatre c'est irréaliste, c'est une méconnaissance de nos métiers", proteste auprès de l'AFP Matthieu Drouot, chez Gérard Drouot Productions.
Pour le Bataclan, il faudrait réduire la jauge "de 1.700 spectateurs à 3-400", calcule Florence Jeux. "Le point d'équilibre financier, c'est un remplissage entre 60 et 80%, là on serait à 25%". Sans oublier la perte des "recettes annexes - mais essentielles - que sont bars et vestiaires", services à fermer selon les recommandations.
Les pertes pour le spectacle vivant musical en France, depuis le début de la crise, sont estimées entre "1,7 et 2 milliards d'euros" selon Jean-Philippe Thiellay, président du Centre national de la musique (CNM), auditionné mercredi par la Commission des Affaires culturelles de l'Assemblée Nationale.
- "On nous laisse pourrir" -
Jean-Michel Ribes dénonce encore l'absence "de stratégie pour les théâtres". "On nous met dans un bain-marie et on nous laisse pourrir, sans annoncer de dates de reprise possible. On va finir usés".
Florence Jeux pointe aussi un "manque de visibilité". "Nous ne sommes pas comme un restaurant qui rouvre du jour au lendemain. Il faut que les artistes puissent circuler: 80% de notre programmation est internationale et ils ont préféré pour l'instant reporter à 2021. Et il faut que le producteur vende les billets, en faisant...
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