L'attitude du public sera déterminante pour la relance – et la survie – de nombreuses structures culturelles. Or, une enquête de L'œil du public observe qu’une part importante des spectateurs se déclare dans une position d’attente.
Le plan de relance pour le spectacle vivant annoncé par le gouvernement parviendra-t-il à remettre le secteur culturel à flot à bref délai ? Selon une étude publiée en juin par L’Œil du public, un tiers des français n’ont pas l’intention de remettre les pieds dans un cinéma ou une salle de spectacle tant que l’épidémie ne sera pas révolue.
Ce chiffre montre à quel point l’enjeu de la filière culturelle consiste plus que jamais à rétablir un lien de confiance avec le spectateur. Un impératif vital si l’on en croit l’enquête réalisée par l’agence de marketing culturelle franco-suisse. Du 1er au 5 juin, 1 250 personnes ont été interrogées sur leurs pratiques culturelles pendant et après le confinement. Le but de cette étude, selon son auteur Adrian Mohr, également président de l’agence, «d’interroger les français sur ce qu’ils ont ressenti, mais aussi soutenir les acteurs culturels pour lesquels nous travaillons, dont nous partageons les projets et les angoisses ».
Des craintes fondées au vu des résultats : 47% des français annoncent vouloir réduire le nombre de leurs sorties culturelles, 43% comptent réduire leurs dépenses culturelles, seulement 1 français sur 2 entend reprendre ses cartes d’abonnements et de fidélité.
Plus étonnant encore, les consommateurs réguliers d’activités culturelles se disent moins à l’aise à l’idée de fréquenter des lieux en plein air. 33% seulement s’imaginent ainsi aller en festival. Les lieux clos, quant à eux, ont un peu plus de succès puisqu’un français sur deux se dit « prêt à retourner au musée » (54%), au cinéma (54%) ou à une exposition (49%). 33% annoncent vouloir assister à une pièce de théâtre ou bien un concert.
Le casse-tête sanitaire
Sans surprise, la majeure partie du public affiche des attentes sanitaires qui conditionnent son retour en salles : port du masque, mise à disposition de gel hydroalcoolique… Pourtant, ces règles apparaissent de manière paradoxale comme une barrière au plaisir ressenti par le spectateur. Selon Adrian Mohr, « les règles sanitaires sont à priori un frein pour les français. On leur impose beaucoup de choses au travail et dans les transports. Après une journée de travail passée le masque sur le nez, le public voudra-t-il le porter tout au long d’un spectacle ? ».
Si les salles de cinéma, les visites de monuments et les pièces de théâtre ont sans aucun doute manqué aux français, l’enquête montre donc que le coronavirus a perturbé leurs pratiques culturelles. Le confinement a signé l’apogée du digital, forçant les institutions culturelles à communiquer de plus en plus en ligne. Bonne nouvelle de ce côté, puisque l’étude indique que deux tiers des français ont passé une partie de leur temps libre devant des films et des séries. A noter, encore, que 20% ont visionné des captations de spectacle sur le web. « On a constaté une explosion des pratiques numériques culturelles, confie Adrian Mohr. C’est un phénomène qu’on observe en particulier chez les moins de 25 ans, mais aussi sur des tranches de la population plus âgées. Nous avons été surpris de ce qui s’est passé pendant le confinement : beaucoup de français ont regardé des pièces de théâtre, des interviews d’artistes… ». Une pratique qui pourrait bien redessiner les contours de l’offre culturelle et la manière dont les institutions communiquent.
Faire revenir les français en salles
Du côté du budget également, la prudence est de mise. La crise économique ayant succédé à la crise sanitaire, les ménages prévoient de consacrer moins d’argent aux loisirs, en particulier les jeunes. 46% des français de moins de 44 ans projettent ainsi de réduire leurs dépenses culturelles. Si le moral des français est en berne, leur porte-monnaie l’est de toute évidence aussi. Une des solutions envisagées par Adrian Mohr : proposer des promotions au public. Pourtant, l’argument économique n’est pas selon lui le principal levier à actionner par les acteurs culturels pour favoriser le retour en salles. « Je pense qu’il faut avant tout que les entreprises redoublent d’effort et de communication. Elles doivent dire aux spectateurs qu’elles ont besoin d’eux et de leur soutien, à la fois économique et moral. Ensuite, il faut que chacun communique sur la façon dont les spectacles vont se dérouler, pour rassurer le public. Et surtout, il faudra lui donner envie de revenir en lui proposant du contenu enrichissant. »
Vers une lente reprise
Datant de juin, l’enquête révélait donc l’état d’esprit d’un public au moment de la réouverture des lieux culturels. L’été aura probablement participé à lever les craintes d’une partie de la population, bien que les faibles fréquentations des musées et des salles de cinéma laissent présager un tableau inquiétant pour la rentrée. Et même si un léger rebond s’est fait ressentir lors de la sortie du blockbuster Tenet ou dans des parcs d’attraction comme Le Puy du Fou, les grands musées parisiens ne peuvent pas en dire autant. La fréquentation du Louvre a chuté de 75% en juillet, puis de 65% en août par rapport aux deux mois de 2019. En cause : le manque de touristes étrangers dans la capitale. Un scénario pessimiste, donc, pour la rentrée ? Adrian Mohr pense au contraire que « la moitié des français vont rester fidèles et reprendre leurs habitudes. Certes, au départ, ils risquent de traîner un peu des pieds, mais les activités culturelles vont reprendre. Cependant, elles ne concerneront plus que la moitié des français, et non pas les trois quarts comme c’est le cas d’habitude. Les sorties seront moins fréquentes et le public sera probablement plus sélectif. »
Garance Lunven
Retrouvez ici l’enquête réalisée par l’Œil du public :
https://loeildupublic.com/etude-culture-covid/