Un groupe de catholiques intégristes a empêché la tenue la semaine dernière d'un concert jugé "sataniste" de l'artiste suédoise Anna von Hausswolff dans l'église Notre-Dame-de-Bon-Port de Nantes. A Paris, le concert a dû être déplacé dans un lieu secret. Trois adjoints au maire de Paris et de Nantes réagissent dans une tribune.
Voici leur tribune de Frédéric Hocquard, adjoint à la maire de Paris en charge du tourisme et de la vie nocturne, Carine Rolland, adjointe à la maire de Paris en charge de la culture et de la ville du quart d'heure, et Aymeric Seassau, adjoint à la maire de Nantes en charge de la culture : "En décembre 2021, à Nantes et à Paris, l'intégrisme religieux a eu raison des arts et de la culture. Le plus inquiétant n'est pas que Anna von Hausswolff, l'artiste dont la musique a été abusivement qualifiée de "sataniste" soit en réalité une jeune musicienne de talent, profondément respectueuse des bâtiments religieux dans lesquels elle a l'habitude de jouer partout en Europe.
Le plus inquiétant n'est pas que les concerts de Nantes et de Paris aient été organisés en étroite collaboration avec les autorités religieuses compétentes, dans un esprit de dialogue respectueux des croyances et des opinions de chacune et de chacun.
Le plus inquiétant n'est pas que les organisateurs, victimes d'injures ignobles et de lâches actes de vandalisme, aient dû déplacer les concerts dans des délais extrêmement étroits par sens des responsabilités et souci d’apaisement.
Le plus inquiétant n’est pas qu’à Paris, le concert de Anna von Hausswolff ait dû finalement être déplacé en catimini, sans publicité, de peur qu’il soit de nouveau perturbé.
Le plus inquiétant est sans aucun doute le risque d'un silence assourdissant ...Ce silence, c'est celui de l’Etat dont la responsabilité est précisément de défendre cette liberté de diffusion et de création artistique. Tel n'a pas été le cas lorsque des troubles manifestes à l'ordre public n'ont pas été empêchés.
Parce que garantir l'accès aux spectacles et aux expositions, c'est garantir l'Etat de droit où la République n'est l'otage d'aucune croyance quelle qu'elle soit.
Une fois passés la stupeur et l'effroi face à la manifestation d'un intégrisme que nous croyions, trop naïvement sûrement, cantonné aux siècles précédents, nous le disons aujourd'hui : ce silence doit cesser.
Car c’est à Nantes et Paris, nos villes si attachées à la circulation des arts, nos villes qui savent ce qu’elles doivent aux artistes qu’Anna Von Hausswolff a été déprogrammée, empêchée, reprogrammée.
Car c’est en France, au cœur de cette nation si attachée à la liberté comme à l’égalité, où certains ont payé de leur vie le droit à la liberté d’expression et de caricatures, qu’une femme a été conduite à renoncer à se produire sur scène parce qu’elle était, dira-t-elle, "effrayée". Effrayée par quelques-uns qui voudraient faire croire qu'ils représentent les croyants d'une religion toute entière, alors qu'il n'en n'est rien.
Notre pays n’est pourtant pas celui des nostalgiques de tous ordres. Notre pays est celui qui s’ouvre au monde sous l’impulsion de François 1er au cœur du "beau XVIème siècle", celui qui accueille à bras ouverts Picasso l’exilé, celui qui promet avec le conseil national de la résistance l’accès de tous les enfants de France "à la culture la plus développée".
Notre pays est celui qui aime et soutient toujours ses artistes même quand ils défient la censure, qu’ils et elles s’appellent Villon, Victor Hugo, Guillaume Apollinaire, Anaïs Nin, Simone de Beauvoir, Joséphine Baker, Jean-Luc Godard, Jean Ferrat ou Niki de Saint Phalle… Notre pays est celui qui fait rêver Jaurès d’une "société nouvelle, de haute et universelle culture où l’art sera à la fois le dieu familier des foyers les plus modestes, le dieu splendide de la cité."
Parce que nous préférerons toujours la clameur aux silences, qu’ils soient complices ou coupables, il faut qu'ils sachent : nous n’avons pas peur. Les exactions et la violence physique ou symbolique nous invitent à l’audace plutôt qu’à la retenue. Avec la crise pandémique, les artistes et acteurs culturels subissent suffisamment d’entraves dans leur travail si précieux pour subir en plus les fantasmes de quelques obscurantistes qui instrumentalisent la religion pour faire ...
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