ENQUÊTE - Deux ans après l’élection de la maire écologiste et de son premier adjoint d’extrême gauche, les musées ferment et les subventions vers les institutions de la ville sont revues à la baisse. Cette réorientation idéologique suscite l’indignation.
Ce lundi 26 septembre, le conseil municipal de Strasbourg promet d’être houleux. À l’ordre du jour, subventions pour des associations culturelles, expositions en 2023… Sur fond de scandale après la décision de la maire Jeanne Barseghian (EELV) et de son premier adjoint Syamak Agha Babaei de fermer les musées deux jours par semaine et de réduire les subventions. Après la promesse finalement avortée de donner 2,6 millions d’euros pour la construction d’une mosquée portée par une confédération d’obédience turque, qualifiée par Gérald Darmanin de fondamentaliste, «c’est une nouvelle faute politique majeure. Nous sortons du Covid, l’État a été irréprochable en matière de culture, ce n’est pas le moment pour les collectivités de lâcher», s’emporte Pascal Mangin, élu LR, ancien président à la culture de la région Grand Est.
Ce lundi, Pierre Jakubowicz, élu Horizons, va présenter une résolution pour «abroger cette décision brutale et incompréhensible» et s’assurer que la mairie ne restreigne pas l’accès aux bibliothèques et aux médiathèques, dossier où elle «avance masquée». L’élu n’est pas seul dans son combat. Ces derniers jours, l’ancienne maire Fabienne Keller (Agir) a lancé une pétition dénonçant une «décision insensée» dans cette capitale européenne célébrée pour son humanisme et sa culture du consensus. Elle a réuni, jusqu’ici, 3300 signatures.
«Radicaux et imprévisibles»
Catherine Trautmann, ancienne ministre de la Culture et elle aussi ancienne maire de Strasbourg, s’est fendue d’une lettre ouverte: «Comment expliquez-vous aux Strasbourgeois, qui paient leurs impôts, qu’ils ne sont plus assurés d’avoir l’accès le plus large à nos musées? (…) Le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas!» Dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA), Roland Recht, directeur honoraire des Musées de Strasbourg et membre de l’Institut, va plus loin: «Chaque fois qu’une instance de pouvoir ferme un quelconque accès à la culture, il donne du crédit à l’obscurantisme. C’est une forme de censure. Brûler des livres ou fermer des musées relève de la même dérive, c’est attenter à la liberté de chacun.» En creux, chacun comprend que l’attitude inexplicable de la maire, qui n’a pas réagi officiellement cet été à la tentative d’assassinat de Salman Rushdie, est mise en cause. L’écrivain menacé avait pourtant été invité plusieurs fois à Strasbourg par le passé.
Le 17 septembre dernier, lors des Journées du patrimoine, les 11 musées municipaux ont fait grève, à l’appel de la CGT. Même les directeurs et les conservateurs sont descendus dans la rue. Ils sont pourtant peu rompus à ce type d’exercice. La presse, y compris étrangère, s’est déchaînée, montrant du doigt la seule ville européenne engagée dans une «décroissance» de ses horaires de musées. Dans son bureau, bras croisés, Jeanne Barseghian dénonce «un procès d’intention» et s’affirme «choquée d’entendre que la culture est sacrifiée à Strasbourg».
Pourtant, en ville, un climat de crainte s’est abattu sur les milieux culturels. Bien des personnalités interrogées par Le Figaro témoignent à condition de rester anonymes. Entre le chantier de l’Opéra national du Rhin, le Festival européen du film fantastique, qui souhaite être renouvelé, le cinéma Cosmos, en attente de son budget, le Musée alsacien, à l’intérieur duquel il pleut, le palais Rohan, où le plâtre s’effondre dans les salons royaux, et les renégociations financières de tous en vue du budget 2023, des dizaines de dossiers sont en attente de décision de la maire et de Syamak Agha Babaei, premier adjoint responsable des finances. À 45 ans, ce médecin urgentiste est décrit par tous comme l’homme fort de la mairie, un véritable «commissaire politique».
"À Strasbourg, l’extrême gauche est désormais au pouvoir. Ils sont radicaux et imprévisibles.
Soit on est avec eux, soit on est le mal incarné"
Alain Fontanel, élu Renaissance et ancien premier adjoint aux finances et à la culture
La situation est telle que même les tapis de course installés sous les bureaux de l’équipe municipale, pour faire du sport tout en travaillant, ne font plus rire l’opposition. «À Strasbourg, l’extrême gauche est désormais...
Lire la suite sur lefigaro.fr