Seulement un quart des entrepreneurs des arts de la scène remplissent l’obligation légale de transmettre leurs données de billetterie.
Quelle est la fréquentation du spectacle vivant en France ? A cette question en apparence simple le ministère de la culture n’est toujours pas en capacité d’apporter une réponse précise. Pourtant, il a lancé depuis quatre ans un nouveau système d’information billetterie (Sibil) dans lequel toutes les structures accueillant des spectacles, qu’elles relèvent du secteur public ou privé, doivent ouvrir un compte et transmettre leurs données. Mais encore faut-il que cet outil d’observation soit alimenté. Or, à l’heure actuelle, seulement un quart des entrepreneurs de spectacles remplissent cette obligation inscrite dans la loi relative à « la liberté de la création, l’architecture et au patrimoine » du 7 juillet 2016.
« Sur 12 000 inscriptions attendues, nous en avons 3 200 », détaille-t-on Rue de Valois, où Sibil est copiloté par la direction générale de la création artistique et le secrétariat général. En mai, un rapport de la Cour des comptes consacré au « soutien du ministère de la culture au spectacle vivant » relevait le manque criant de données « fiables » et exhaustives sur le nombre annuel de spectacles et d’entrées. « Les importantes difficultés de déploiement de Sibil doivent impérativement être surmontées à brève échéance », insistaient les magistrats de la Rue Cambon.
Développé par le cabinet de conseil Capgemini pour un budget de 400 000 euros, le logiciel Sibil est censé centraliser les données de billetterie pour obtenir une photographie du secteur économique du spectacle vivant, un état des lieux de la création et de la diffusion afin de mieux évaluer l’impact des politiques publiques. Les entrepreneurs de spectacles doivent transmettre, par voie dématérialisée, le nombre d’entrées (payantes ou gratuites), le prix, le type de spectacle, le titre de l’œuvre, le nom de l’auteur, le lieu de représentation et la durée de la programmation.
« Tradition d’opacité »
Si tous les éditeurs de billetterie proposent désormais une remontée automatisée vers Sibil – ce qui évite le déclaratif sur papier –, moins de 30 % des salles l’utilisent. Bien sûr la crise sanitaire a en partie retardé le processus. Mais elle n’explique pas tout. « Il y a une grande tradition d’opacité dans le spectacle vivant. Chacun a envie de savoir ce qui se passe chez l’autre mais personne n’a envie de dire ce qui se passe chez lui. Cela fait près de vingt ans que le sujet des données de fréquentation est sur la table et que plus de transparence est demandée », souligne un connaisseur du dossier.
« Le ministère de la culture a créé un seul outil pour un secteur trop large »
- un responsable du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles
Contrairement au cinéma, dont on peut suivre, grâce au Centre national du cinéma (CNC), les détails de la fréquentation des salles et de la répartition des entrées par film, le spectacle vivant demeure le parent pauvre de la statistique. Or, en cette période post-Covid, il serait plus que jamais intéressant de savoir si le public a retrouvé le chemin des lieux de spectacle. A titre d’exemple, les chiffres du premier semestre 2022 fournis par le Syndicat national du théâtre privé (SNTP) affichent une baisse de 25 % à Paris et de 16 % en province, comparativement au premier semestre 2019.
« Les discussions sur la conception de Sibil ne se sont pas très bien passées, se souvient l’un des responsables du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac, qui regroupe quelque 300 structures subventionnées). Le ministre a demandé par exemple les données des places gratuites sans faire la différence entre les places de servitude [ministère, médecin de garde, accompagnateurs de personnes handicapées, etc.] et les invitations. » A ses yeux, « la Rue de Valois a créé un seul outil pour un secteur trop...
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