Chorégraphes et metteurs en scène, privés de tournées, affrontent des situations économiques difficiles, voire catastrophiques.
Ils sont belges, polonais, libanais, portugais, britanniques, italiens, brésiliens ou espagnols. Ils devaient venir au Printemps des comédiens, à Montpellier, au Festival d’Avignon, aux Etés de la danse, à Paris, ou dans d’autres villes de France. Certains avaient des tournées en cours qui se sont arrêtées net mi-mars, d’autres ont des spectacles prévus pour la saison à venir, dont la programmation reste incertaine. Chorégraphes ou metteurs en scène, tous sont maintenant dans leurs pays, confinés et aux prises avec des conditions économiques très variées. Ils espèrent et attendent la reprise, ainsi que l’ouverture des frontières qui irriguera à nouveau la scène hexagonale de leur présence, dont Emmanuel Macron, dans son adresse aux artistes du mercredi 6 mai, a rappelé à quel point elle était indispensable.
Pour certains, la question est vitale : sans l’étranger, leurs compagnies ne pourraient pas vivre, ou alors si mal. Prenez la Brésilienne Christiane Jatahy, pourtant bien lotie : elle a un pied au Brésil, l’autre en France, où elle est artiste associée à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Paris. D’ici à fin juin, son calendrier devait la mener de la Suisse au Japon, de la Russie au Portugal, avec plusieurs spectacles, annulés ou reportés.
L’un d’entre eux, Julia, a permis de la découvrir en Europe, en 2015 : « Je l’ai créé en 2011 au Brésil. Aujourd’hui, ce serait impossible, explique la metteuse en scène. Il n’y a plus d’argent pour la culture dans mon pays où nous affrontons une épidémie à deux épicentres : le coronavirus et le fascisme de Bolsonaro. Les artistes n’ont aucune sécurité : s’ils ne travaillent pas, ils ne touchent aucune aide. C’en est au point que des associations se mobilisent pour aider ceux qui n’ont pas de quoi manger. »
Pour Christiane Jatahy, qui devrait créer en novembre à Genève son prochain spectacle, Entre chien et loup, d’après Dogville, le film de Lars von Trier, puis le présenter en janvier 2021 à l’Odéon, le constat est sans appel : « Sans l’étranger, je ne pourrais plus créer. La seule chose que je pourrais faire, au Brésil, ce serait des petits spectacles, avec des comédiens et des techniciens non payés. Les tournées leur permettent de vivre, et à la compagnie de continuer d’exister. »
Grave crise économique
Au Liban, le ton du jeune chorégraphe Ali Chahrour, qui devait être à l’affiche du Festival d’Avignon avec sa nouvelle pièce Du temps où ma mère racontait, est tout aussi alarmiste. Parallèlement au Covid-19, son pays traverse une grave crise économique. « C’était déjà très difficile de créer puisque nous ne recevons pas d’argent pour travailler, mais là, je dois vraiment trouver des moyens de survivre, explique-t-il. J’ai dû me battre pour conserver les répétitions alors que la situation actuelle du Liban entraîne le blocage des comptes en banque par exemple et que les prix des produits de première nécessité ont plus que doublé. Mais nous avons persisté. Je ne sais pas aujourd’hui si je vais pouvoir finaliser et créer le spectacle. Nous ne pouvons plus nous rencontrer, plus voyager, plus...
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