Les aides versées par le Centre national de la musique (CNM) seront conditionnées au respect de critères d’égalité et de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles.
« Ni une révolution ni un point d’étape. » Très engagée dans la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, devait tenir, jeudi 14 janvier, son premier comité de pilotage consacré à la lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles. Un rendez-vous mis en place en 2017 par Françoise Nyssen, réunissant les professionnels de la culture et des personnalités extérieures, et destiné à présenter la feuille de route annuelle du ministère en la matière.
Après avoir œuvré pour le cinéma, qui a été le premier touché par le phénomène #metoo, le ministère de la culture a décidé de se pencher cette année sur le secteur de la musique, confronté à son tour à une vague de dénonciations, notamment avec le mouvement #balancetonrappeur. « Nous avions le sentiment que la musique avait un train de retard sur le cinéma. L’affaire Chloé Briot [chanteuse lyrique qui, en mars 2020, a porté plainte pour agression sexuelle contre l’un de ses partenaires dans une production de l’Opéra-Comique] nous a convaincus d’agir. Cette histoire est symptomatique, il fallait donner un coup d’accélérateur », explique l’entourage de Roselyne Bachelot.
Un protocole, mis au point avec l’aide des professionnels, comprend notamment l’obligation de suivre tous les deux ans une formation sur la prévention des violences
Concrètement, les aides versées par le Centre national de la musique (CNM) aux différents acteurs de la filière seront désormais conditionnées au respect de critères d’égalité et de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles. Pour ce faire, le ministère a mis au point un protocole, avec l’aide des professionnels, qui comprend notamment l’obligation pour les personnels du secteur de la musique et des variétés de suivre tous les deux ans une formation sur la prévention des violences. Un « plan de prévention spécifique » pour « les productions artistiques qui peuvent utiliser le nu ou des situations à caractère sexuel », avec la nomination de référents chargés de les suivre, « de la conception jusqu’au spectacle », est également prévu.
La mise en œuvre de ce protocole, copié sur le modèle de celui qui a été lancé en 2020 pour le cinéma, a débuté le 1er janvier et sera progressive tout au long de l’année. « L’idée est que plus un centime ne sorte du CNM s’il n’y a pas eu respect de ce protocole », indique un conseiller. Une conditionnalité qui n’a rien d’accessoire à l’heure où les professionnels souffrent de la crise due à l’épidémie de Covid-19. Le 31 août 2020, le CNM s’est notamment vu confier 210 millions d’euros pour aider le secteur musical à surmonter la crise sanitaire, dans le cadre du plan de relance du gouvernement. « Ces aides seront, comme les autres, soumises au protocole », assure-t-on Rue de Valois.
« Mettre l’accent sur la prévention »
De la même façon, plusieurs études sur l’égalité dans la musique seront lancées en 2021 par le CNM. La première, consacrée à la place des femmes dans les festivals, devrait être dévoilée fin janvier. Le budget du CNM consacré à aider les projets de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes devrait également passer de 100 000 euros à 600 000 euros par an. « Et nous allons mettre l’accent sur la prévention dans les écoles d’art, qui sont propices aux situations à risque, avec des formations destinées aux équipes dirigeantes mais aussi aux élèves », explique le cabinet de Mme Bachelot. Une enquête menée au printemps 2020 par le ministère dans les écoles supérieures d’art avait révélé « plusieurs situations ou faits potentiellement graves ».
Depuis son arrivée à la tête du ministère de la culture, le 6 juillet 2020, Roselyne Bachelot a fait de la lutte contre les violences sexuelles une de ses priorités. A trois reprises, elle a signalé à la justice des faits impliquant des artistes ou des professionnels de la culture, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, qui oblige tous les fonctionnaires à saisir le procureur de la République s’ils prennent connaissance de faits répréhensibles. « Aucun ministre ne l’avait fait auparavant », souligne un conseiller. De la même façon, elle a refusé, en novembre 2020, de valider la nomination de Pascal Dumay à la tête d’une mission relative aux orchestres permanents, après avoir appris qu’il avait été condamné dix ans auparavant pour téléchargement et diffusion d’images pédopornographiques.
« Dans les histoires de violences sexuelles, le silence sert toujours les agresseurs. Roselyne Bachelot a choisi de ne pas laver le linge sale en famille, mais de l’exposer à chaque fois sur la place publique », justifie-t-on dans l’entourage de la ministre. « Elle ne supporte pas ces histoires, c’est tripal chez elle », ajoute une proche. Seule contrainte : impossible de dévoiler un nom en l’absence de procédure judiciaire. Le 26 novembre 2020, Mme Bachelot avait ainsi signalé à la justice de supposés agissements du plasticien Claude Lévêque, accusé de viols sur mineurs, mais n’avait pas révélé son identité, dévoilée le 10 janvier par Le Monde.
Si elles voient d’un bon œil la prise de conscience des pouvoirs publics, les associations de lutte contre les violences sexuelles estiment qu’il est encore trop tôt pour tirer un premier bilan des actions engagées. Dans le cinéma, les formations contre les violences sexistes et sexuelles, qui conditionnent l’accès aux aides, n’ont ainsi débuté que le 6 octobre 2020. « Quand on discute avec les producteurs, souvent les retours sont bons, cela permet d’apporter du discernement sur ces sujets et aussi d’apaiser les inquiétudes », estime Sandrine Brauer, coprésidente du collectif 50/50, qui œuvre à la promotion de l’égalité, de la parité et de la diversité dans le milieu de l’audiovisuel et du cinéma.
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