Au ministère de la rue de Valois, cette passionnée d’opéra devra prendre en charge un secteur gravement touché par la crise liée au Covid-19.
C’était le 7 octobre 2018, lors d’une rencontre du Monde Festival intitulée « Y a-t-il une vie après la politique ? ». A la question « Choisir de quitter une carrière politique, est-ce une décision sans retour ? », Roselyne Bachelot répond, avec un grand sourire : « Il y a un poste quI me ferait renoncer à cet engagement, c’est si on me proposait d’être ministre de la culture. Là, je pourrais craquer ! »
Alors, quand le nouveau premier ministre, Jean Castex, l’a appelée pour lui proposer la Rue de Valois, l’ancienne ministre devenue chroniqueuse a confié sur France Info avoir répondu la même chose : « Là, tu me fais craquer. » Elle arrive pourtant au pire moment à la tête de ce ministère. Le jour de sa nomination, lundi 6 juillet, le département études et statistiques de la Rue de Valois a publié une enquête évaluant « L’impact de la crise du Covid-19 sur les secteurs culturels ». Et les données sont catastrophiques : « La baisse moyenne de chiffre d’affaires atteint 25 % par rapport à 2019 (22,3 milliards d’euros). L’effet sera le plus important sur le secteur du spectacle vivant (– 72 %), du patrimoine (− 36 %), des arts visuels (− 31 %) et de l’architecture (− 28 %). »
Est-ce justement parce que la « situation est apocalyptique », comme le résume Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon, que le milieu culturel semble voir d’un bon œil l’arrivée d’une forte personnalité ? « Elle a des travaux d’Hercule devant elle, poursuit Olivier Py, mais c’est une lionne, une battante, une femme de convictions qui connaît la technocratie dure, et il va falloir se battre avec les technocrates de Bercy qui ne sont pas passionnés par l’art et n’ont pas encore compris qu’il est un gain et rapporte sept fois plus que l’industrie automobile. »
« Un être de passions »
La nouvelle locataire de la Rue de Valois s’est rendue, dès mardi 7 juillet, au Louvre puis au Théâtre de la Ville, où Télérama organisait des débats sur l’avenir de la culture. « Elle est tout de suite dans le bain, on n’a pas besoin de lui expliquer la vie », souffle-t-on à l’Elysée. Avant l’annonce de sa nomination, Roselyne Bachelot a pris soin de prévenir Jack Lang mais aussi Stéphane Bern, le « Monsieur Patrimoine » d’Emmanuel Macron, qu’elle tutoie. Elle a aussi choisi sa directrice de cabinet : ce sera Sophie-Justine Lieber. Cette énarque, ancienne conseillère au cabinet de la ministre socialiste de la culture Aurélie Filippetti, était médiatrice du livre depuis juillet 2019.
Roselyne Bachelot a beau être de droite dans un milieu réputé de gauche, les organisations professionnelles du secteur saluent « une personnalité de premier plan », se félicitent de « son expérience des rouages de l’Etat » et rappellent, à l’image du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), qu’elle est « une femme éprise de musique et de culture ». Lyricomane avertie et passionnelle, Roselyne Bachelot fait partie, depuis des décennies, des rares personnalités politiques à courir tous les soirs de première (ou pas) à l’opéra, que ce soit à Paris ou dans les grands festivals lyriques internationaux comme Glyndebourne, Salzbourg ou Bayreuth, où il n’est pas rare de la voir discuter avec Angela Merkel lors des longs entractes wagnériens. A ses premières amours verdiennes, Roselyne Bachelot a consacré un ouvrage biographique écrit à quatre mains avec le baryton français Jean-Philippe Lafont, Verdi amoureux (Flammarion, 2013).
Les trois « hommes de sa vie » se nomment Verdi, sa première et définitive idylle, puis Mozart, enfin Wagner. C’est cependant une déclaration d’amour à l’opéra français qu’elle proclame dans l’album discographique Salut à la France ! paru au printemps 2016, une playlist en forme de coups de cœur, de Bizet (Carmen) à Offenbach (La Vie parisienne), de Massenet (Manon, Le Cid) à Debussy (Pelléas et Mélisande), mêlant opéra-comique, opérette et grand opéra à la française. Et c’est avec une fidélité sans faille au monde lyrique que la future ministre a accepté, quelques semaines avant sa nomination, d’être l’un des membres d’honneur de l’association Unisson, un collectif né du désarroi des artistes lyriques face aux annulations consécutives à la pandémie de Covid-19. Pour Laurent Brunner, directeur artistique du château de Versailles, « Roselyne Bachelot est un être de passions, ce qui est fondamental quand il s’agit de culture. Elle fréquente intimement nombre de musiciens et chanteurs, et possède une profonde connaissance des réseaux et des artistes, pour lesquels elle éprouve une réelle empathie ».
Sens de la formule et franc-parler
Durant le long entracte de sa vie politique, la pasionaria s’est adonnée aux plaisirs d’autres joutes. Sa verve et son sens de la formule en font une chroniqueuse recherchée, comme en témoignent les critiques et éditos publiés depuis 2012 sur le site ...
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