La ministre de la culture s’est rendue jeudi et vendredi à Avignon et à Arles, deux villes sinistrées par l’annulation de leur manifestation-phare cet été.
Il aura fallu une crise sanitaire à l’impact sans précédent pour parvenir à une image inédite dans l’histoire théâtrale avignonnaise : réunir, sur une même photo, Roselyne Bachelot, la ministre de la culture, entourée d’Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon, et de Pierre Beffeyte, président de l’association Avignon Festival & Compagnie (AF&C). En s’affichant tout sourire, jeudi 23 juillet dans la Cour d’honneur du Palais des papes, avec le patron du « in » et le coordinateur du « off », la nouvelle ministre de la culture a cassé la frontière symbolique qui sépare l’institution publique (le « in ») du marché privé (le « off »).
L’heure est si grave pour le spectacle vivant qu’il n’est plus question d’opposer ces deux rendez-vous théâtraux, poumons économiques majeurs pour la cité des Papes. C’est d’ailleurs à Avignon, a confirmé Roselyne Bachelot, que se tiendront, courant septembre, les premiers états généraux des festivals, de toutes disciplines, de toutes tailles, subventionnés ou non, « pour que la saison prochaine retrouve sa vitalité artistique, son rôle de démocratisation et d’irrigation économique ». Avec une baisse de chiffre d’affaires de 72 %, le spectacle vivant est le secteur culturel le plus durement touché par la crise due au Covid-19.
Pour l’un de ses premiers déplacements depuis sa nomination, le 6 juillet, rue de Valois, la plus populaire des ministres du nouveau gouvernement Castex (elle est créditée de 62 % d’opinions favorables au dernier classement IFOP-Fiducial pour Paris Match) a choisi Avignon et Arles, terres de festivals annulés, pour marteler, loin de Paris, l’importance des « territoires ». Dans chacune de ces deux villes, qu’elle a sillonnées en marathonienne jeudi 23 juillet et vendredi 24 juillet, elle a répété, dès son arrivée, la même chose : « Quand on est ministre des artistes et des territoires, venir ici est une évidence. »
22,3 milliards d’euros de perte
Drôle d’été qu’un été sans festival pour une ministre de la culture. A Avignon, à défaut de spectacle dans la Cour d’honneur, elle a assisté à une lecture dans le cloître du Palais des papes et visité deux expositions à la Collection Lambert. A Arles, faute de Rencontres de la photographie, elle s’est entretenue avec le nouveau maire de la ville et ancien PDG de France Télévisions, Patrick de Carolis, a rendu visite à l’ancienne ministre de la culture, l’éditrice Françoise Nyssen, dans ses locaux d’Actes Sud, a visité la tour de la Fondation Luma et l’Ecole nationale de la photographie avant d’assouvir sa passion pour l’opéra en assistant à un récital de Florian Sempey et Irène Kudela.
Saluant ses interlocuteurs les mains jointes, les yeux rieurs, très à l’aise dans son nouveau costume de ministre de la culture, elle n’a vu quasiment que « des amis de longue date » ou des personnes qu’elle « aime beaucoup », se réjouit-elle. « Comme dirait l’autre, je pense à vous », lui a soufflé avec humour Françoise Nyssen, rayonnante et détendue sur ses terres arlésiennes, loin de ses anciens tourments parisiens.
Roselyne Bachelot n’était pas en déplacement pour faire des annonces mais pour apporter son soutien à des villes privées des retombées économiques de leurs traditionnels rendez-vous culturels : « La culture, c’est la valeur ajoutée de la France. Dans le PIB, la culture représente autant que l’agriculture et sept fois l’industrie automobile. Le monde culturel, qui accuse une perte de revenus de 22,3 milliards d’euros, vit actuellement un sinistre qui impacte, par son poids économique, la vie de tous les Français. » Sous-entendu : c’est avec ces arguments qu’elle défendra son budget auprès du premier ministre. « On n’a jamais eu autant besoin de culture. Cette crise montre qu’en être privé, c’est être privé de soi-même et des autres », insiste-t-elle.
Si la forme des états généraux des festivals est en cours d’élaboration, la ministre liste d’ores et déjà « trois chantiers » qu’elle souhaite développer lors de ce rendez-vous : ...
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