Face au manque de spectateurs dans les salles, qui fait peser un grave danger sur le cinéma d’auteur, les producteurs, les distributeurs et les diffuseurs doivent être soutenus par une puissance publique soucieuse avant tout de création et non de rentabilité économique.
Le rugissement de la patrouille de France au-dessus de la Croisette – dans le but de promouvoir une superproduction hollywoodienne – n’a pas suffi à étouffer cette lancinante antienne : le cinéma est atteint d’un mal dont on n’est pas sûr qu’il se remettra. Ce mal, chronique, a pris un tour aigu avec la pandémie. Ses symptômes varient selon les régions du monde.
Aux Etats-Unis, il se manifeste par une baisse du nombre de titres proposés sur les grands écrans, qui n’accueillent plus que les « franchises » reposant sur une marque au potentiel commercial reconnu – super-héros, jeu vidéo ou jouet pour enfant. Les autres productions sont captées par les plates-formes de vidéo sur abonnement. En Chine ou en Russie, la pression croissante de la censure, la fermeture des frontières limitent le choix des spectateurs.
La France continue de faire exception : malgré les confinements, les fermetures des salles en 2020 et 2021, le nombre de films tournés reste haut – plus de 340 en 2021. Chaque semaine, plus d’une douzaine de nouveaux titres trouvent le chemin des salles. Mais la plupart d’entre eux n’y font qu’un passage éclair, pendant que Spider-Man ou Batman occupent des semaines durant la tête du box-office.
Une occasion de refondation
La levée des dernières mesures sanitaires n’y a rien fait, il manque toujours un quart des spectateurs et tout indique que les absents sont ceux qui faisaient le succès des films d’auteur, les plus de cinquante ans. C’est pour eux que la délicate architecture de la production cinématographique française a été édifiée.
Leur absence, liée en partie à leur découverte des plates-formes pendant la pandémie, fait courir un grand danger à la production française. Le succès en salle d’un film d’auteur n’en faisait pas – et de loin – un investissement rentable. Il assurait néanmoins la longévité de cette œuvre, diffusée sur d’autres supports, exportée, et la pérennité de la carrière de ses créateurs. Toutes choses que les plates-formes, si elles s’avisaient d’acquérir ce genre de production, ne peuvent ni ne veulent offrir, préférant s’assurer de l’exclusivité des droits, quitte à faire disparaître les films dans les profondeurs de leur catalogue.
Ce péril peut aussi être l’occasion d’une refondation du cinéma français. Elle suppose de rendre l’expérience du cinéma en salle plus satisfaisante. On peut en améliorer le confort, comme le préconise le patron de Pathé, Jérôme Seydoux. On sait aussi que le développement des conversations sur place, au moment de la projection, que ce soit grâce à la présence des équipes ou par l’aménagement des salles, mobilise et fidélise le public.
Si la projection en salle reste l’expérience idéale pour découvrir un film, la protection des salles ne doit pas prendre le pas sur la défense des œuvres. La chronologie des médias doit être repensée en fonction de ces dernières, plutôt que dans le souci d’assurer la pérennité d’établissements qui traitent souvent les films comme des produits de consommation interchangeables...
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